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   Dhamma
(Par Michel Henri Dufour)

Sommaire


Introduction
Les fondement de l'enseignement ancien
Les principes de base de l'enseignement
Les « trois caractéristiques» (tilakkhana)
L'interdépendance
Kamma
Les trois «poisons de l'esprit
La renaissance
Conceptions erronées autour de la renaissance et du monde
Illustration de la renaissance à travers les Textes
La « recherche scientifique »
Les facteurs de l'Éveil
Le Nibbana




 INTRODUCTION
L’époque actuelle ressemble en de nombreux points au VIe siècle avant notre ère en Inde,
époque à laquelle vécut le Bouddha : confusion des idées, angoisse pour le futur, prolifération de
« faux prophètes » et des doctrines fallacieuses, recul du respect des êtres vivants, effritement des
valeurs morales au profit du formalisme et du matérialisme. De multiples organisations cherchent un
moyen de résoudre ces problèmes, mais la plupart en voulant changer l’environnement de l’homme,
ses conditions extérieures de vie. Le bouddhisme propose une autre révolution : la révolution
intérieure, seule capable de bouleverser toutes les conditions, mais la possibilité nous en est voilée par
l’ignorance et cette ignorance est mère de toutes les souffrances.
En quoi cette ignorance consiste-t-elle ?
Ce n’est pas la simple ignorance intellectuelle, c’est celle de la véritable nature de l’homme et
de l’univers tout entier. Rien dans le monde ne dure éternellement, tout est inexorablement détruit à
plus ou moins longue échéance, que ce soit civilisation, cité, montagne, richesses ou être vivant ; rien
dans le monde n’est capable de produire de la satisfaction ou un plaisir durable, la souffrance et la
douleur sont inséparables de la vie comme nous la connaissons. Enfin, il n’existe rien dans l’homme
(et en toutes choses) qui subsiste inchangé et éternel, pas d’« âme immortelle », tout est « vide »,
impersonnel.
L’homme agit justement selon le contraire de tout cela, d’où la masse de souffrance qui
l’assaille. Cependant, la compréhension de ces faits ne doit pas nous conduire au désespoir et au
pessimisme, car il existe un chemin pour en sortir, un chemin qui nous mène des ténèbres à la lumière,
à la libération de la souffrance, à la paix suprême, au nibbæ na. Ce chemin nous a été montré par le
Bouddha qui l’a parcouru, compris en son entier, et exposé aux hommes pour le bonheur de tous les
êtres.
Le Bouddha, après son Éveil, présenta dans son premier sermon les « quatre Vérités nobles »,
coeur de tout son enseignement :
1. La vie est dépourvue d’harmonie, d’équilibre, potentiellement source d’insatisfaction.
2. La cause de cette insatisfaction est l’attachement aux désirs, le désir égocentrique, l’avidité,
la soif.
3. Il est possible d’y échapper par l’extinction de cet attachement, de cette soif, c’est le nibbæ na.
4. Le chemin qui conduit à cette extinction est le noble Sentier aux huit Voies. Ce sentier
comprend la Compréhension correcte, l’Intention correcte, la Parole correcte, l’Action correcte,
le Mode de Vie correct, l’Effort correct, l’Attention [30] correcte, l’Unification de l’esprit
correcte. Ce sentier fondé sur le comportement éthique et la méditation (culture mentale)
débouche sur la sagesse totale.
Le laïc bouddhiste est censé suivre les cinq préceptes, qui ne sont ni des interdictions ni des
commandements, mais des moyens de discipline que l’on adopte de soi-même ; d’une façon générale :
s’abstenir de violence envers les êtres vivants, de prendre ce qui n’est pas donné, de complaisance
dans les plaisirs des sens, de mauvaises paroles, de tout ce qui trouble la conscience claire.
Parallèlement à l’établissement de la conduite éthique le disciple doit entreprendre la pratique
de la méditation qui lui permettra de comprendre par ses propres efforts ce que le Bouddha a lui-même
compris. Rien dans le bouddhisme n’est affirmé de façon péremptoire et définitive mais tout doit être
vérifié à la lumière de l’expérience personnelle de la méditation et de la contemplation quotidienne des
choses telles qu’elles sont.
Pour le Bouddha l’univers est l’expression de lois immuables et n’a pas été créé par une déité
omnipotente. Prépondérante étant la loi de cause-effet (ou kamma, et son résultat, vipæ ka) : l’homme
récolte en dépendance de ce qu’il a semé, ses actions volontaires et consciemment acceptées façonnent
son futur, et son présent dépend de ses actions passées. Ses actions le jettent dans la « ronde des
renaissances » dont il ne pourra sortir que par la conquête du nibbæ na, dans cette vie ou dans « une
autre ».
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Cependant, aucune « âme éternelle » ne passe d’une vie à une autre ; c’est simplement une
énergie qui se transmet, une (des) conscience(s) qui en conditionne(nt) une (des) autre(s), une flamme
de bougie qui allume une autre bougie. Lorsque les feux de la convoitise, de l’illusion et de la
malveillance sont éteints, les renaissances sont terminées, la paix du nibbæ na est atteinte.
La plupart des hommes réagissent à toutes les stimulations et sont atteints par tous les
événements extérieurs et intérieurs (joie, peine, flatterie, reproche, succès, échec, etc. ) au point que
leur jugement s’en trouve faussé et leur paix compromise. Leur esprit est alors aussi agité qu’« un
singe ivre piqué par un serpent et bondissant de branche en branche ». Que de fois n’entendons-nous
pas dire : « Je suis hors de moi. » ou « Je suis distrait. » ! Comment de telles personnes peuvent-elles
obtenir la paix si elles sont constamment ballottées par le moindre souffle de vent ? Que feront-elles
en face d’une provocation, d’une insulte, ou de toute menace physique ou psychologique ? Le remède
à cette activité anarchique de l’esprit est la méditation ; elle seule permet de parvenir à cette égalité
d’esprit qui n’est pas pure indifférence ni sécheresse de coeur, mais force intérieure capable de faire
face à toutes les épreuves même les plus sévères.
À tort le mot « méditation » est souvent associé à la seule forme de réflexion intellectuelle sur
un sujet. La véritable méditation est unification de l’esprit, elle est parfaite adaptation de l’être tout
entier à chacune des actions, parfaite présence à tous les instants de la vie quotidienne et nous délivre
de l’esclavage des pensées et idées envahissantes. Elle nécessite une attention sans relâchement.
Essayez de rester, ne serait-ce que cinq minutes, assis, dans le silence ! Au bout d’une minute vous
éprouverez un besoin irrésistible de bouger, de vous gratter l’oeil, de feuilleter un magazine, d’allumer
la télévision. Vous vous mettrez à penser à votre prochain repas, aux yeux de votre voisine, à votre
patron ou à toute autre chose ; en un mot vous chercherez à fuir les conditions présentes telles qu’elles
sont !
La méditation est une véritable culture mentale qui s’acquiert au prix d’un effort soutenu et
correctement dirigé ; ce n’est qu’à ce prix qu’il est possible d’obtenir la paix intérieure sans laquelle la
volonté de construire la paix collective est un non-sens.

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 LES FONDEMENTS DE L’ENSEIGNEMENT ANCIEN
Le Tipitaka (les « trois corbeilles ») ou Canon pali
Il n’existe à proprement parler aucun Canon en tant que groupe d’Écritures « révélées » et
reconnues officiellement par une quelconque « Église bouddhique ». L’ensemble des textes considérés
comme canoniques, le Tipitaka, constitue le fondement du bouddhisme ancien.
Les Enseignements du Bouddha ont été enregistrés et préservés dans des langues comme le pali,
le gandhari, le sanskrit, le chinois ou le tibétain, les versions conservées en pæ li étant considérées
comme les plus anciennes. Selon la tradition Theravada, c’est cette dernière langue, ou tout au moins
un idiome proche, qui fut employée pour réciter les textes doctrinaux lors des trois premiers
sa³gæ yana (assemblées de la Communauté monastique ou « conciles »), rassemblant les moines
bouddhistes, le tout premier ayant eu lieu trois mois après la disparition du Bouddha.
Le Tipitaka représente un volume de plus de dix fois la Bible (il est vrai avec de nombreuses
répétitions à but didactique) et se subdivise en :
Suttapitaka (cinq Collections, nikaya)
Cette partie contient principalement les Sutta délivrés par le Bouddha à la Sa³gha monastique et
aux laïcs en diverses occasions. Y sont incorporés quelques discours prononcés par des disciples
éminents ( Sariputta, Ananda, Moggallana) et approuvés par le Bouddha.
Le Suttapitaka peut être comparé à un livre de prescriptions, une des caractéristiques
fondamentales du Dhamma étant en effet son idiosyncrasie. Les sermons furent exposés en tenant
compte des circonstances et en accord avec les caractéristiques psychologiques des personnes
concernées. Tout ce qui a été enseigné par le Bouddha l’a été en fonction d’une occasion ayant
provoqué le sermon et toujours en référence à des personnes, des lieux, des états mentaux, etc. Les
contradictions entre certains textes ne sont qu’apparentes puisque les sermons ont été prononcés par le
Bouddha pour répondre efficacement à des conditions déterminées. Par exemple, confronté à la même
question, il pouvait demeurer silencieux devant quelqu’un de stupidement curieux ou donner un
exposé détaillé à un chercheur sincère, ou encore répondre par une contre-question.
Il est également important de noter que le Bouddha a exposé tout ce qui est nécessaire à la
délivrance, il ne fait pas partie de ces Maîtres qui « cachent quelque chose dans leur poing serré ».
D’où parfois le silence du Bouddha sur des questions non pertinentes pour parvenir au but recherché.
Vinayapitaka (trois principales sections)
Il traite tout spécialement des règles et de la discipline des moines, bhikkhu, et nonnes,
bhikkhuni .
Pendant près de vingt ans après l’Éveil du Bouddha, les disciples étant relativement peu
nombreux et spirituellement très évolués, aucune règle définie ne fut édictée, le besoin ne s’en faisant
pas sentir. Plus tard, le nombre de moines augmentant de façon importante, le Bouddha promulgua des
règles en fonction des circonstances et au fur et à mesure de l’apparition des problèmes. Les raisons de
ces promulgations, leurs diverses implications et les cérémonies spécifiques à la Sangha, sont
largement décrites dans le Vinaya [31]. S’y trouvent également l’histoire du développement de
l’Enseignement depuis son début, une brève relation de la vie et du « ministère » du Bouddha et des
détails sur les trois premiers « conciles », sa³gø ti [32]. Indirectement il donne de nombreuses
informations sur l’histoire ancienne de l’Inde, ses coutumes, ses arts et ses sciences.
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Le Vinaya brosse un tableau impressionnant de la constitution démocratique de la Sa³gha, de la
gestion communautaire des biens, de l’exceptionnelle qualité morale des moines et nonnes et des
incomparables talents administratifs du Bouddha.
Abhidhammapitaka (sept traités)
Il contient les aspects philosophiques et psychologiques de l’Enseignement et fut
majoritairement exposé par Sæ riputta, l’un des disciples prééminents du Bouddha. Selon certains
érudits, l’Abhidhamma n’est pas un Enseignement du Bouddha mais une élaboration ultérieure de
moines scolastiques ; la tradition attribue cependant au Bouddha lui-même le noyau de l’Abhidhamma.
Toute cette littérature a suscité, au fil des siècles, de nombreux commentaires et souscommentaires
formant un corpus énorme, cet ensemble n’étant néanmoins pas considéré comme
« buddha vacana », la Parole du Bouddha.
L’attitude correcte à adopter envers le Canon pæ li, et les textes bouddhiques en général, est
présentée ainsi par Ajahn Sumedho :
« Ces textes ne sont pas à considérer comme étant des “ Écritures saintes” nous
prescrivant ce qu’il faut croire. On doit les lire, les écouter, y réfléchir, les contempler et,
grâce à elles, examiner, étudier la réalité présente, l’expérience présente. Alors, et alors
seulement, pourrons-nous connaître profondément la Vérité au-delà des mots. »
                                                    
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 LES PRINCIPES DE BASE DE L’ENSEIGNEMENT
Il est fondamental de rappeler que le Bouddha n’a jamais enseigné un système. S’il existe, au
sein du Canon pali, de nombreuses listes et classifications, elles ne possèdent qu’un but didactique,
leur objet étant de fournir une base de réflexion et de méditation (kammatthana) [33].
Les quatre Vérités (ou faits de l’existence) nobles
Directement liées à l’Éveil du Bouddha (en fait de tous les bouddhas !) et constituant la base
immuable de tous ses Enseignements, elles sont exposées dans le Dhammacakkappavattana Sutta (le
Sermon sur la mise en route de la Roue de la Loi) que l’école Theravæ da considère comme la
quintessence du message du Bouddha. Ce fut le premier sermon du Bouddha après son Éveil, mais
assez curieusement il ne figure pas en premier dans la compilation du Canon pæ li. On peut considérer
que tous les autres points de la doctrine bouddhique ne sont que des corollaires de ces quatre Vérités.
Elles constituent un champ infini de pratique pour tout bouddhiste.
Fondement de toutes les écoles bouddhiques authentiques, référence constante des pratiquants,
réflexion et contemplation riche d’implications, elles ne doivent pas être considérées comme des
vérités dogmatiques à s’approprier sans examen mais comme des outils d’analyse et d’observation
approfondie de la réalité. Ce sont des vérités qui ennoblissent et non pas simplement la constatation
d’une sombre réalité.
L’édifice entier de l’Enseignement du Bouddha repose sur une constatation très simple :
l’inadéquation entre la réalité du monde et notre volonté de le modeler selon nos impulsions
égocentriques, le conflit quasi permanent entre les événements et notre désir illusoire que le monde
s’ordonne autour de nous.
En résumé, et de façon purement didactique, on peut présenter les nobles Vérités ainsi :
1. le déséquilibre (dukkha), potentiellement générateur d’insatisfaction ou de souffrance, est
omniprésent, l’harmonie est perpétuellement remise en question,
2. l’origine (samudaya) de l’insatisfaction est l’attachement au désir égocentrique, l’esclavage
des désirs, la « soif » insatiable d’être et de posséder (tanha ),
3. la cessation [34] (nirodha) de l’esclavage du désir est possible, elle conduit au nibbana,
4. le chemin (magga) menant à cette cessation est le « noble Sentier aux huit branches »
reposant sur les trois fondations : Connaissance transcendante, Conduite éthique, Culture mentale.
Extrait du Dhammacakkappavattana Sutta (Saµyutta Nikaya) :
« (...) (Voici, ô moines) la Vérité noble dite dukkha : la naissance est dukkha, le
vieillissement est aussi dukkha, la maladie est aussi dukkha, la mort est aussi dukkha,
être uni à ce que l’on n’aime pas est dukkha, être séparé de ce que l’on aime est dukkha,
ne pas obtenir ce que l’on désire est aussi dukkha. En résumé, les cinq agrégats [35]
d’attachement sont dukkha.
« (Voici, ô moines) la Vérité noble dite la cause de dukkha : c’est cette “ soif” qui
produit la ré-existence et le re-devenir, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve
une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là, c’est-à-dire la soif des plaisirs des sens, la
soif de l’existence et du devenir et la soif de la non-existence.
« (Voici, ô moines) la Vérité noble dite la cessation de dukkha : c’est la cessation
complète de cette “ soif”, la délaisser, y renoncer, s’en libérer, s’en débarrasser. (…)
« (Voici, ô moines) la Vérité noble du Sentier conduisant à la cessation de dukkha : c’est
simplement le noble Sentier aux huit branches, c’est-à-dire : la compréhension correcte,
la pensée correcte, la parole correcte, l’action correcte, les moyens d’existence corrects,
l’effort correct, l’attention correcte, l’unification mentale correcte. »
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Ces quatre Vérités nobles possédant chacune trois aspects de reconnaissance : la théorie
(pariyatti), la reconnaissance de l’existence de la Vérité noble ; la pratique (pa¥ ipatti), la
reconnaissance de la nécessité de mettre en pratique la Vérité noble ; le résultat (pa¥ ivedha), la
reconnaissance du résultat de la pratique.
Le problème existentiel : le déséquilibre, la dysharmonie sont potentiellement source de
souffrance
Dukkha, littéralement « difficile à supporter », fait référence à l’insatisfaction, l’incomplétude,
l’imperfection, l’insécurité, implicites dans tous les phénomènes qui, en raison de leur changement
perpétuel, sont toujours potentiellement sujets à provoquer la souffrance.
Ce concept inclut tout ce qui est désagréable, depuis les souffrances corporelles grossières et la
souffrance implicite dans le vieillissement, la maladie et la mort, jusqu’aux sentiments subtils tels
qu’être séparé de ce que nous aimons ou associé à ce qui nous déplaît et aux états mentaux plus fins
comme la torpeur, l’ennui, l’agitation, etc. Il est souvent traduit, d’une façon réductrice, par
« douleur » ou « souffrance », mais ces termes sont loin de le définir parfaitement. Dukkha est en fait
le déséquilibre, le malaise éprouvé devant la nature oppressive de tous les facteurs d’existence par
suite de leurs continuelles apparitions et disparitions. Il possède de nombreuses connotations selon la
base ou selon la source, ainsi que de multiples formes.
Les réactions à dukkha ont pour origine l’incapacité à comprendre et admettre la nonpermanence
et le caractère impersonnel et non substantiel de tous les phénomènes, éléments
constituant (avec dukkha) les « trois caractéristiques » (tilakkha¼ a). C’est cette incapacité à
comprendre qui place l’être humain, antérieurement à l’Éveil, dans la même situation que Sisyphe
[36], condamné à répéter de manière compulsive les mêmes actions et les mêmes attitudes mentales
néfastes.
À l’instar de tous les principes de base de l’Enseignement bouddhique, l’appréhension
intellectuelle pure ne peut l’épuiser, dukkha se situe toujours au-delà, dans une expérimentation de
tous les instants.
La cause : la propension à s’approprier, l’attirance irrésistible vers la flamme qui consume
Ce désir ardent, cette « soif » (tanha ), cette attirance irrésistible, conduit à l’esclavage, à
l’emprise totale du monde des sens sur l’esprit.
Tanha est subdivisé traditionnellement en six catégories :
1. rupa tanha , désir ardent pour les formes matérielles
2. sadda tanha , désir ardent pour les sons
3. gandha tanha , désir ardent pour les odeurs
4. rasa tanha , désir ardent pour les saveurs
5. photthabba  tanha, désir ardent pour les choses tangibles
6. dhammæ  tanha, désir ardent pour les idées.
D’autres classifications se trouvent dans les textes traditionnels, ce qui montre sa complexité et
son vaste champ d’application :
1. kamatanhæ , désir ardent pour les expériences sensuelles agréables
2. bhavatanha , désir ardent pour l’existence
3. vibhavatanha , désir ardent pour la non-existence.

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Ou encore :
1. kamatanha , désir ardent pour les expériences sensuelles agréables
2. rupatanha , désir ardent pour les formes matérielles
3. arupataha , désir ardent pour les choses abstraites ou l’existence sans forme.
La cessation : desserrer la ceinture qui étouffe
Lorsque la cause du trouble est perçue il existe une possibilité de guérison. De la même
manière, au-delà du chaos des désirs incontrôlés suscités par ta¼ hæ , réside un havre de repos. Cet arrêt
des proliférations anarchiques du corps, de la parole et du mental est l’un des multiples aspects de ce
que l’on nomme le nibbana.
Désigné de nombreuses façons dans les Écritures traditionnelles, ce but ultime de la pratique
bouddhique est principalement décrit négativement afin d’éviter tout attachement intellectuel, voire
mystique, à un concept confortable.
Le nibbæ na est la cessation de ce que l’on nomme les « trois poisons » : ignorance, avidité et
malveillance. Lorsque l’énergie ayant suscité ces trois pulsions fondamentales et naturelles (c’est-àdire
les actions malsaines, volontaires et consciemment acceptées) est épuisée, la véritable nature de la
délivrance est perceptible. Même si ce but paraît lointain, voire irréalisable, il est néanmoins possible
d’en goûter la saveur en expérimentant les résultats bénéfiques des différentes voies ou pratiques
décrites dans la noble Vérité suivante.
Le fait que le Bouddha soit parvenu à la délivrance ultime de tous les liens et qu’il a existé, et
qu’il existe encore peut-être, des arahanta (êtres réalisés), doit constituer une incitation à ne pas se
perdre dans les actions négatives et le doute sceptique perpétuel.
Le chemin : le choix de la Voie royale
L’Enseignement du Bouddha étant avant tout une pratique de vie, une science de l’esprit et non
un système philosophique dénué de toute application existentielle, il existe un moyen de réaliser les
trois nobles Vérités précédentes.
Le Suttapitaka (l’ensemble des Sermons) nous offre non seulement les divers aspects du
Dhamma mais également des guides pragmatiques nous permettant de réaliser personnellement ce
Dhamma. Toutes les observances et les pratiques formant les étapes du Chemin conduisent à la
purification [37] mentale à trois niveaux : purification par la conduite correcte, purification par
l’harmonie de l’esprit, purification par la connaissance transcendante (sø la [38] visuddhi, samadhi [39]
visuddhi, pañña [40] visuddhi).
Après avoir exposé le problème existentiel et les causes de ce problème, le Bouddha, dans la
quatrième des « Vérités nobles », nous propose un chemin de pratique, Voie royale du juste milieu
entre les extrêmes, permettant de se libérer de l’insatisfaction et de la souffrance.
On classe généralement les huit éléments constituant cette Voie en trois chapitres : Sagesse,
Éthique et Unification mentale. Bien que cette exposition, purement didactique, puisse sembler
impliquer un ordre ou une progression, il n’en est rien. À l’image de chaque brin contribuant à la
solidité d’une corde, les différentes parties de la Voie s’interpénètrent à tous les niveaux et chacune
contient toutes les autres et à la fois les génère et s’en nourrit.
Néanmoins, au départ, une certaine dose de sagesse (encore mondaine à ce niveau) est
nécessaire, sagesse consistant à savoir qu’il existe un chemin et des moyens pour accomplir ce
chemin. La « perfection » ou « rectitude » de ces moyens réside dans le fait qu’ils impliquent de vivre
en accord avec la vertu, la méditation et la sagesse plutôt qu’en se fondant sur une position orientée
sur soi, une vision égocentrique.
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Dans les Textes classiques la Voie est ainsi présentée :
I. Sagesse (pañña )
1. conception correcte (samma [41] ditthi)
La vue, la compréhension non viciée. Elle implique une première appréhension des quatre
Vérités nobles et consiste, en un premier temps, à saisir l’insatisfaction, sa cause, son extinction et le
chemin y conduisant, c’est-à-dire, en un mot, comprendre la nécessité de la pratique et sa nature.
2. pensée, résolution, intention correcte (sammæ sankappa)
L’intention correcte, les aspirations correctes, impliquent l’intention ou la résolution d’élever
l’esprit, de le libérer de l’attachement à la sensualité, de la malveillance envers autrui, de la violence
envers autrui et soi-même. Elle se nourrit d’une pensée libre de convoitise, de mauvais vouloir et de
cruauté.
II. Conduite droite, éthique (sila)
3. parole correcte (sammæ vaca )
Elle concerne le contrôle de la parole sous tous ses aspects, en particulier s’abstenir de
mensonges, de racontars, de paroles dures et de paroles vaines. Elle incite à constamment observer
l’intention avant de parler, à juger de la nécessité de parler et du moment opportun pour le faire, et à
poser des paroles de concorde plutôt que de discorde.
4. action correcte (samma kammanta)
La conduite correcte implique, pour tout bouddhiste laïc, l’observance des préceptes de base
(sø la), d’une façon globale : s’abstenir de toute action susceptible de générer la souffrance en soi et
autrui et d’excès en toutes choses.
5. moyen d’existence correct (samma ajiva).
Le mode de vie correct implique l’abstention de moyens néfastes, non éthiques, de gagner sa vie
et la mise en oeuvre de moyens justes et honorables, ne lésant aucun être vivant. Les bouddhistes
prenant à coeur leur pratique sont invités à ne pas exercer les activités suivantes : vendre des êtres
vivants, des poisons, de la drogue, de l’alcool ou des armes.
6. effort correct (sammæ vayama).
Cette pratique implique : l’effort d’éviter (saµvara) [42] et l’effort de surmonter (pahæ na) les
états néfastes et malsains, l’effort de développer (bhæ vanæ ) et l’effort de maintenir (anurakkha¼æ ) les
états bénéfiques et sains, les brahma vihæ ra et les pæ ramitæ [voir p. 61] par exemple.
III. Unification mentale (samædhi)
7. vigilance correcte (sammæ sati [43])
Elle recouvre l’attention correcte, la présence totale. Sati implique une vigilance de tous les
instants en ce qui concerne les phénomènes intérieurs et extérieurs, physiques et mentaux et leur
analyse. Elle inclut les quatre attentions fondamentales (satipa¥ ¥ hæ na), l’un des fondements de la
pratique méditative dans la Voie bouddhique : attention au corps, aux sensations, à l’esprit, aux
phénomènes.
8. harmonie mentale correcte (samma samadhi).
Elle est unification de l’esprit correcte, équilibre mental correct. Elle constitue la manière
correcte d’utiliser la méditation et ses résultats, uniquement pour le développement et la libération
personnelle et éventuellement comme base des quatre « absorptions » (jhana).
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« (…) Le premier des huit facteurs du chemin est la Vue correcte (sammæ ditthi), qui naît
de la vision et de l’expérimentation de la cessation. Posséder la Vue correcte nécessite d’être
très vigilant en permanence. Nous devons connaître que tout surgit et disparaît et est non-soi, et
cela doit être une expérience directe, une vision intérieure. La Vue correcte est fondée sur la
connaissance intérieure directe, et non simplement sur une réflexion et une croyance dans le
concept. Aussi longtemps que nous ne connaissons pas réellement mais simplement pensons
connaître, nous demeurons dans un état d’incertitude et de confusion. C’est parce que la
connaissance intellectuelle se fonde seulement sur des symboles et non sur une expérience
directe de la Vérité.
« Le second facteur du chemin est l’Attitude correcte ou Intention correcte (sammæ
sankappa). Une fois la Vue correcte établie notre intention à partir de ce moment est dirigée
vers le nibbæ na ou le non créé, vers la libération. Nous ressentons encore des impulsions et des
tendances comme le doute, l’inquiétude ou la peur, nous tirant en arrière vers le monde des
sens, mais maintenant nous reconnaissons ces impulsions. Nous les connaissons telles qu’elles
sont, et nous ne pouvons être abusés très longtemps par ces conditions. Auparavant, nous
pouvions nous enfoncer pendant des semaines dans le découragement, le doute, la peur ou
l’avidité sous diverses formes. Une fois que cette expérience de vision intérieure s’est produite
et que la Vue correcte s’est installée, alors il y a Attitude correcte. Parce qu’il existe encore une
résistance à mettre en oeuvre l’effort d’être éveillé, il se peut que nous essayions de nous
abuser, mais ce n’est possible que pour peu de temps.
« La Vue correcte et l’Attitude correcte constituent ensemble la sagesse (pañña ) et elles
nous conduisent aux troisième, quatrième et cinquième aspects du chemin : Parole correcte,
Action correcte et Mode de Vie correct (sammæ vaca , sammæ kammanta, sammæ ajiva). En
langue pæ li nous appelons ces trois éléments du chemin, sø la, l’aspect éthique du Sentier aux
huit branches. Sø la signifie accomplir ce qui est bénéfique et s’abstenir de ce qui est négatif en
action corporelle et en parole. La Vue correcte et l’Attitude correcte encouragent sø la car une
fois la Vérité perçue nous ne sommes plus enclins à utiliser notre corps ou notre parole pour
léser nous-mêmes ou les autres êtres. Nous nous sentons responsables ; nous n’allons pas faire
mauvais usage de notre propre corps ou de celui de quelqu’un d’autre, ou léser les autres êtres
intentionnellement. Il se peut que nous le fassions sans le vouloir, mais nous n’avons pas
l’intention de léser. C’est la différence.
« Lorsque sø la est présent nous sommes équilibrés émotionnellement et nous nous sentons
en paix. Parce que ni nous ne blessons, ni ne volons, ni ne mentons, il n’y a pas de regrets, nous
n’avons pas de sentiment de culpabilité et un sentiment de calme, d’équanimité et d’humilité
s’installe. De cette sensation de paix naissent les sixième, septième et huitième aspects du
chemin : Effort correct, Attention correcte et Unification de l’esprit correcte (samma vayama,
sammæ sati, sammæ samadhi). Avec l’effort, l’attention et l’unification de l’esprit, le passif et
l’actif sont équilibrés. C’est comme dans l’apprentissage de la marche : nous sommes
constamment en train de perdre l’équilibre et de tomber, mais dans ce processus même nous
développons de la force, tout comme le bébé. Un bébé apprenant à marcher développe de la
force en dépendant de ses parents, en dépendant des tables et des chaises, et en tombant, se
faisant mal et se relevant. En définitive, il fait deux pas, puis il commence à marcher et enfin
commence à courir. C’est la même chose avec l’équilibre émotionnel. Une fois que nous savons
ce que signifie être en équilibre il n’y a plus de problèmes, nous pouvons marcher, courir,
tourner, sauter.
Le Sentier aux huit branches se divise en trois sections : sila, samadhi et pañña . Si la est la
conduite éthique, samæ dhi l’unification mentale, pañña la sagesse. Sø la est la façon dont nous
nous conduisons, dont nous vivons, dont nous utilisons notre corps et notre parole. Samæ dhi est
l’équilibre des émotions. Lorsque nous possédons un excellent samæ dhi, l’amour est libre du
désir égocentrique, libre de convoitise et d’exploitation de l’autre. Avec l’équilibre émotionnel
vient une espèce de joie et d’amour. Nous ne sommes pas indifférents, mais nous possédons
l’équilibre.
32
Nous pouvons aimer car il n’y a rien d’autre à faire. C’est la relation naturelle lorsqu’il
n’y a pas de soi. Mais lorsque l’égocentrisme surgit, alors l’amour devient convoitise, la
compassion devient condescendance, la joie devient désir égocentrique de bonheur. Lorsqu’il
n’y a pas de soi, la joie est naturelle et la compassion surgit spontanément dans l’esprit. Pañña
est sagesse, la connaissance de la Vérité engendrant la parfaite harmonie entre le corps, les
émotions et l’intellect. Avec la sagesse, ces trois qualités fonctionnent en harmonie et se
soutiennent l’une l’autre au lieu d’être des forces en conflit. »

Ajahn Sumedho

« Lorsque le Bouddha délivra son sermon sur les quatre Vérités nobles un seul parmi les
cinq disciples présents comprit réellement. Les autres apprécièrent l’exposé, pensant “ C’est
vraiment un bel enseignement ! ”, mais seul Kondañña acquit la parfaite compréhension de ce
que le Bouddha disait. (…)
« Qu’avait donc compris Kondañña ? Quelle fut cette réalisation que le Bouddha loua à
la fin de son sermon ? C’était : “ Tout ce qui est sujet à la naissance est sujet à la
disparition. ”. En fait cela ne ressemble pas à une connaissance particulièrement profonde,
mais ce que cela implique est une caractéristique universelle : tout ce qui surgit cesse ; c’est
non permanent et ne nous appartient pas, c’est “ non-soi ” … Aussi ne vous attachez pas, ne
soyez pas trompé par ce qui surgit et cesse. Ne recherchez pas un refuge, quelque chose en
lequel vous souhaitiez avoir confiance et où vous désiriez demeurer, dans quoi que ce soit qui
surgisse, car tout cela cessera.
« Si vous voulez souffrir et gaspiller votre vie, attardez-vous aux choses qui surgissent.
Elles vous conduiront toutes vers la fin, vers le déclin, et vous n’en serez pas plus sage. Vous ne
ferez que tourner en rond, répétant les mêmes anciennes et tristes habitudes et, au moment de la
mort, vous n’aurez rien appris d’important de votre vie. »

Ajahn Sumedho

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33
 Les « trois caractéristiques» (tilakkhana)

La non-permanence est au coeur de tout ce qui est conditionné,
Lorsque l’on peut le percevoir avec sagesse,
Alors on se détourne de dukkha.
Cela est le sentier de la purification.
Le déséquilibre est au coeur de tout ce qui est conditionné,
Lorsque l’on peut le percevoir avec sagesse,
Alors on se détourne de dukkha.
Cela est le sentier de la purification.
L’absence d’essence personnelle est au coeur de tout ce qui est conditionné,
Lorsque l’on peut le percevoir avec sagesse,
Alors on se détourne de dukkha.
Cela est le sentier de la purification. »
« sabbe sankha ra aniccæ ’ti
yadæ pañña ya passati
atha nibbindati dukkhe
esa maggo visuddhiyæ .
sabbe sa³khæ ra dukkha’ti
yada pañña ya passati
atha nibbindati dukkhe
esa maggo visuddhiya .
sabbe sankha ra anatta’ti
yadæ pañña ya passati
atha nibbindati dukkhe
esa maggo visuddhiyæ .
Ces versets sont fréquemment récités par les moines (sous cette version ou sous une autre), lors
des cérémonies quotidiennes ou lors des funérailles. Ils constituent une forme de méditation discursive
largement usitée chez les moines ainsi que chez les laïcs.
On peut résumer cet enseignement, typique de la stratégie émancipatrice du Bouddha, de la
façon suivante :
Tout ce qui existe dans l’univers conditionné est : potentiellement source d’insatisfaction ou de
souffrance (dukkha), non permanent (anicca) et impersonnel ou « vide » (anattæ ).
Il est à noter que même si le non conditionné (le nibbæ na) échappe aux deux premières
caractéristiques il est néanmoins soumis à la troisième.
Dukkha
Instable, sans véritable fondement, dans un état de perpétuelle agitation. C’est la constatation de
base, la première des Vérités nobles (re)découvertes par le Bouddha lors de son Éveil. 
Souvent traduit par « douleur » ou « souffrance » ce concept recouvre en fait un domaine
beaucoup plus large. C’est bien sûr tout ce qui est insatisfaction, douleur physique ou morale, mais
c’est surtout ce sentiment de « mal-être », sentiment de « ce n’est pas vraiment ça » que la plupart des
gens éprouvent sans vraiment pouvoir le définir ou en cerner la cause. Dukkha est source d’inconfort,
d’irritation, d’incertitude.
Anicca
Non permanent, éphémère. Possédant la nature de surgir et de disparaître.
34
Anatta
« Non-moi », c’est-à-dire impersonnel, dépourvu d’essence individuelle, sans existence propre, sans
propriétaire, indigne d’attachement égotiste.
On peut dire « vide », dans le sens psychologique, et non dans le sens ontologique [44]. Anatta
n’est pas, à l’instar de tous les enseignements du Bouddha, un principe dogmatique à plaquer sur la
réalité, mais un outil de contemplation, permettant petit à petit de ne plus rien considérer comme
« moi, mien » et de déraciner le réflexe permanent d’appropriation [45]. La croyance en un moi
indépendant (sakkæ ya di¥¥hi) étant l’un des plus puissants liens nous retenant à la roue du saµsæ ra,
c’est-à-dire à la répétition compulsive et non consciente d’actions génératrices de souffrance pour soimême
et les autres.
Ces « trois caractéristiques » ne sont en fait que des facettes différentes mais complémentaires
d’une même réalité : le caractère éminemment illusoire de toute stabilité et de toute sécurité dans le
monde conditionné. Beaucoup plus qu’un jugement ontologique elles représentent en fait un moyen
habile, une astuce pédagogique du Bouddha, destinés à nous éviter de tomber dans le piège de
l’attachement à ces conditions illusoires.
« Le Bouddha a établi une distinction entre la Vérité ultime et la vérité
conventionnelle. L’idée d’un soi est purement un concept, une convention, tout comme :
américain, thaï, enseignant, étudiant ; ce ne sont que des conventions. De façon ultime
personne n’existe, il n’y a que des combinaisons temporaires des éléments terre, feu, eau
et air. Nous appelons ce corps une personne, mon moi, mais en définitive il n’y a pas de
moi, il n’y a que anattæ , non-moi. Pour comprendre ce non-moi vous devez méditer. Si
vous ne faites qu’intellectualiser, votre tête va exploser. Ce n’est que lorsque vous aurez
compris le non-moi dans votre coeur que le fardeau de la vie aura disparu. Votre vie de
famille, votre travail, tout deviendra beaucoup plus facile. Lorsque vous voyez au-delà du
moi, vous n’êtes plus attaché au bonheur, et lorsque vous n’êtes plus attaché au bonheur
vous pouvez véritablement être heureux. »

Ajahn Chah    
     
                                                En haut de la page
35
 L’interdépendance

(la « production conditionnée », paticcasamuppada)
« Celui qui voit clairement la loi de la production conditionnée,
voit clairement le Dhamma.
Celui qui voit clairement le Dhamma,
voit clairement la loi de la production conditionnée. »
(Majjhima Nikæ ya)
Cette « loi » explique que le saµsæ ra, le processus de la souffrance et des existences répétées,
est entretenu par une chaîne de liens interconnectés de causes et effets. Toute chose dans l’univers
relatif existe en raison de conditions déterminantes et détermine à son tour d’autres choses ; rien n’est
un commencement en soi ou un fin en soi (la seule exception étant l’arahanta, l’être pleinement
libéré). Elle révèle également la méthode pour briser cette chaîne et mettre un terme au processus ;
celui-ci n’est en effet pas inéluctable, il est possible, à chaque lien, de trouver une porte de sortie et de
rompre le cercle vicieux.
Au sens premier la « production conditionnée » ou « origine(s) interdépendante(s) » fait
référence à la façon dont la souffrance apparaît en dépendance directe de l’échec à appréhender
correctement la réalité (ignorance) et de l’esclavage des désirs, et disparaît conjointement à leur
cessation.
Chaque lien conditionne le suivant dans le sens naissance, apparition (paccaya) selon l’ordre
progressif (anuloma) ou dans le sens cessation (nirodha) selon l’ordre rétrograde (pa¥ iloma). Nous
avons ainsi la description du surgissement de la « maladie » (ordre progressif), et la description de la
façon de faire cesser cette « maladie » (ordre rétrograde).
En dépendance de 1. l’ignorance (avijjæ ), apparaissent :
2. les facteurs d’existence (sankhara ),
3. en dépendance des facteurs d’existence apparaît la conscience discriminative (viññana),
4. en dépendance de la conscience discriminative apparaît l’individualité psychophysiologique
(nama rupa),
5. en dépendance de l’individualité psychophysiologique apparaissent les six bases des activités
des sens (sala yatana),
6. en dépendance des six bases des activités des sens apparaît le contact (phassa),
7. en dépendance du contact apparaissent les sensations (vedana ),
8. en dépendance des sensations apparaît le désir ardent (tanaha ),
9. en dépendance du désir ardent apparaît l’attachement (upadana),
10. en dépendance de l’attachement apparaît le devenir (bhava),
11. en dépendance du devenir apparaît la naissance (jati),
12. en dépendance de la naissance apparaissent la décrépitude et la mort (jara marana).

 Définition des termes du paticcasamuppada

Avijja
C’est la méconnaissance profonde de la nature réelle de tout ce qui existe, tout particulièrement
la méconnaissance des « trois caractéristiques » (tilakkha¼ a), la non-reconnaissance de la véritable
nature de l’esprit. C’est l’opposé de la vision intérieure directe et non obstruée, de l’Éveil.
Avijja signifie l’absence de toute connaissance dépassant ce qui est du domaine de la pure
convention. C’est l’ignorance profonde qui obscurcit tout, inverse tout, faisant prendre l’erreur pour la
vérité, le non essentiel pour l’essentiel, le néfaste pour le bénéfique et ce que l’on nomme
normalement connaissance pour vijjæ alors que c’est avijjæ . Ce n’est en aucun cas une ignorance
intellectuelle.
36
Sankhara
« Formations », déterminations, processus de vie, processus corporels, verbaux et mentaux.
Intentions, impulsions, stimulations, qui poussent à l’accomplissement d’une action, à son
actualisation.
Trois sens principaux :
1. tout ce qui est conditionné, composé, assemblé, complexe.
Sont par conséquent inclus : toute l’expérience sensorielle (les organes des sens, les objets des
organes des sens, la conscience surgissant du contact), toutes choses, physiques ou mentales,
façonnées par des causes et des conditions, de même que les forces qui les façonnent et les processus
par lesquels elles sont façonnées.
2. les activités mentales créatrices de kamma.
3. les facteurs mentaux au sens large, conditionnés et suscités par l’opération de kamma et de
ses résultats.
Viññana
Au sens général : intelligence, pensée, impressions mentales, connaissance.
Dans le contexte du paticcasamuppæ da : conscience dans sa fonction discriminative, conscience
empirique née de l’union de l’objet sensoriel, de l’organe sensoriel et de leur contact. Division et
distribution de la conscience sur les six bases des sens, conscience sensorielle, pouvoir, faculté
d’appréhension au moment de voir, entendre, sentir, goûter, toucher et penser.
Elle est classifiée, en fonction des bases, en : conscience visuelle, auditive, olfactive, gustative,
tactile, mentale.
Namarupa
Littéralement : « nom et forme ». C’est l’ensemble des phénomènes mentaux et physiques,
indissociablement unis dans le corps. L’unité psychocorporelle, matérialité et subtilité, aspect essentiel
et aspect substantiel.
Salayatana
Les six bases d’activité des sens, les organes des sens : oeil, oreille, nez, langue, corps, mental.
Les six domaines (sphères) sensoriel(le)s intérieur(e)s, personnel(le)s, (les organes des sens),
par rapport aux six domaines sensoriels extérieurs (les objets des sens).
Phassa
Impression des sens, contact des sens avec leur objet respectif, en tant que base de la sensation,
vedana . On distingue : le contact visuel, auditif, olfactif, gustatif, tactile, mental.
Vedana
Sensation (considérée comme aveuglante) issue du contact des sens avec le monde extérieur,
connaissance directe par l’intermédiaire des sens, appréhension, appréciation. Décrit les états mentaux
comme l’attirance, l’aversion, la joie, la peine, etc.
On distingue la sensation corporelle et la sensation mentale (agréable, désagréable ou neutre).
Elles se classifient selon les bases des sens en : sensation issue de la fonction visuelle, de la fonction
auditive, de la fonction olfactive, de la fonction gustative, de la fonction tactile, de la fonction mentale.
Tanha Désir ardent, « soif », attirance irrésistible, esclavage, emprise. Désir de renouvellement de la
sensation agréable (ou de disparition de la sensation désagréable).
Upadana
Combustible. Attachement, saisie [46] de l’objet du désir, appropriation.
Bhava
La « sphère [47] de la naissance », le devenir, la conception, l’existence. La maturation des
conséquences de la saisie, évolution et régression.
C’est un processus qui se déroule selon deux modes : un processus d’action (kamma bhava) et
un processus de renaissance, de régénération (uppatti bhava).
37
Jati
Naissance, apparition.
Jara
Processus de vieillissement, décrépitude.
Marana
Mort d’un être ordinaire, non éveillé. Ne concerne ni les « émancipés » (arahanta) ni les
bouddhas, pour lesquels on emploie le terme parinibbæ na.
D’une manière plus générale le paticcasamuppæ da désigne le processus sous-tendant tous les
phénomènes de quelque ordre qu’ils soient (physiques, psychologiques, spirituels) dans leur naissance,
leur croissance et leur déclin.
La réalisation de l’interdépendance, de la non-séparation de tout ce qui existe (phénomènes
physiques ou mentaux, intérieurs ou extérieurs, proches ou lointains, visibles ou invisibles) est l’une
des caractéristiques fondamentales de la sagesse issue de l’Éveil. Cette réalisation débouche
immanquablement sur la compassion à l’égard de tous ces phénomènes et de tout ce qui vit. La
sagesse et la compassion ne pouvant exister l’une sans l’autre, tout comme l’avers et le revers d’une
pièce de monnaie.

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 Kamma

Kamma fait partie de ces vocables que certains auteurs préfèrent ne pas traduire plutôt que d’en
donner une traduction trop réductrice voire élaborer des néologismes. Étymologiquement le terme
signifie « ce qui est fabriqué », et possède la même racine que (sa³)khæ ra, « composition, formation ».
C’est l’action provenant d’impulsions habituelles, de volitions, d’énergies naturelles, conduisant à une
réaction, l’action intentionnelle dans laquelle le résultat est inhérent. Il désigne donc toute action
volontaire, consciemment acceptée et issue du corps, de la parole ou de la pensée, pouvant être
bénéfique et conduire à l’extinction de la souffrance ou mal orientée et source de souffrance.
Kamma et son fruit (vipaka) sont intimement liés et interdépendants, les fruits étant fonction de
l’intention (cetana ). C’est en quelque sorte, selon la séquence cause => effet => réaction à l’effet,
etc. , la loi de la conservation de l’énergie appliquée au domaine éthique. En aucun cas kamma ne
signifie destin, dette, punition ou toute acception déterministe diffusée par la théosophie ou autres
philosophies « ésotériques ». Kammavipaka, la maturation de kamma, est par ailleurs classée par le
Bouddha dans ce que l’on nomme les « inconcevables » (acinteyyani) [48] !
Kamma n’est pas la somme des actions des « vies précédentes » puisqu’il existe des actions
dont les résultats ne se manifesteront que dans « d’autres vies » ou ne se manifesteront pas du tout.
Kamma n’est donc pas un déterminisme absolu en raison de l’interférence de diverses actions et
contre-actions et d’autre part en raison du fait que certaines actions ne produisent pas de résultats ; ce
qui laisse ainsi place à une certaine forme de hasard. Cette conception fausse selon laquelle tout est le
résultat de kamma, soutenue par plusieurs ascètes contemporains du Bouddha, a été dénoncée, parmi
beaucoup d’autres, dans le Brahmaja la Sutta (Sutta Pitaka, Dø gha Nikaya, Sø lakkhandha Vagga, 1).
Kamma n’est que l’une des cinq lois naturelles dont les quatre autres sont : la loi atmosphérique
(température, saisons, etc. ) (utu niyama), la loi biologique (bi ja niya ma), la loi physique (dhamma
niyæ ma), la loi psychologique (citta [49] niyæ ma). Nous sommes conditionnés par l’hérédité,
l’environnement physique, social et idéologique, le passé psychologique (comprenant l’héritage de
kamma), mais aucun de ces facteurs, ni leur somme, n’est un déterminisme total car il reste un élément
d’effort personnel volontaire. C’est en raison de cet élément que le nibbæ na est possible et que, comme
le déclare le Bouddha, « la vie “ pure ” peut être vécue. ». Cet élément constituant par excellence la
Voie de libération proclamée par le Bouddha.
38
En ce sens, seul le kamma est à notre portée car nous pouvons le maîtriser, dans une certaine
mesure, en fonction de nos actes volontaires et conscients. Quant aux autres lois, nous y sommes
soumis en raison de notre environnement, et elles suivront leur cours naturel que nous les acceptions
ou non. Nos réactions et nos actions par rapport à ces lois sont elles-mêmes soumises à la loi de
kamma-vipæ ka et porteront leurs fruits selon.
Les classifications suivantes démontrent la complexité du concept de kamma et font un sort à
toutes les interprétations hâtives autant que naïves que nous entendons le plus souvent.
Classification selon les « portes » d’action :
1. kayakamma, action physique
2. vaca kamma, action verbale
3. manokamma, action mentale (pensée).
Classification selon les résultats :
1. kusla kamma, action positive
2. avya kata kamma, action neutre
3. akusala kamma, action négative.
Kamma est également divisé en différentes catégories :
selon la fonction :
1. janaka, reproductif
2. upatthambhaka, renforceur
3. upapilaka, obstructeur
4. upagha taka ou upacchedaka, « tueur », destructeur
selon l’intensité :
1. garuka, pesant
2. accinnaka ou bahula, habituel
3. asanna ou marana sanna, proche (de la mort)
4. katattæ , mécanique.
selon la durée, le temps :
1. ditthadhammavedanø ya, efficace dans le présent
2. uppajjavedanø ya, efficace dans le futur proche
3. aparapariyavedanø ya, efficace jusqu’au futur lointain
4. ahosi, sans effets, annihilé.
Kamma peut être synonyme de kammanta, parfois de sa³khæ ræ dans la chaîne des « origines
interdépendantes » (paticcasamuppæ da). Il est pratiquement synonyme d’abhisa³kæ ræ (les « grands
créateurs » : les activités volitionnelles, les « accumulations »).
Même si l’on ne peut pénétrer totalement les arcanes de kamma il est essentiel de retenir qu’il
possède en fait une profonde portée pédagogique ou thérapeutique, au sens large. Il va directement à
l’encontre d’une des nombreuses théories philosophiques en vigueur à l’époque du Bouddha, la
doctrine de l’inaction (akiriya væ da [50]) théorie pernicieuse enseignant l’inefficacité morale des
actions et impliquant une négation de kamma, ce qui laisse l’homme sans motivation pour
l’accomplissement de toutes actions éthiquement bénéfiques (pour soi-même et autrui).

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39

 Les trois «poisons de l’esprit»

Ils représentent trois des liens fondamentaux (saµyojana) exposés plus loin. [voir p. 45]
Lobha
Avidité, cupidité, convoitise. La propension à s’accrocher, coller à, chercher le plaisir dans les
objets conduisant à l’esclavage, l’attachement.
Comprend tous les degrés, depuis la plus légère trace d’attachement jusqu’aux formes les plus
crasses de convoitise et d’égocentrisme.
Dosa
Malveillance. Comprend tous les degrés d’aversion, depuis la plus légère touche de mauvaise
humeur (envers les autres ou envers soi-même) jusqu’aux formes extrêmes de colère, de violence et
d’esprit de revanche et de haine.
Moha
Illusion, stupidité, sottise.
Ce sont ces trois « poisons », représentés au centre de la célèbre « Roue des Existences » dans
l’iconographie bouddhique, et support de l’enseignement du paticcasamupæ da [voir p. 35], qui nous
entraînent dans le flux des naissances et renaissances répétées.
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 La renaissance

« Naître sans cesse, là est vraiment dukkha. »
Renaissance ou réincarnation ?
Certains principes de base de l’Enseignement bouddhique font l’objet de nombreuses
distorsions. Kamma et la renaissance (la plupart du temps ignorée au profit de la « réincarnation ») en
sont deux exemples types, car il n’existe sans doute pas de concepts plus mal interprétés dans le
bouddhisme, c’est en outre ceux avec lesquels se plaisent à jouer toutes les pseudo-traditions.
La « réincarnation » est en fait un concept controuvé issu d’un contexte occidental ; tel qu’il est
conçu dans ce contexte il est totalement inconnu dans les traditions asiatiques (indiennes ou extrêmeorientales).
En outre on en fait généralement une question de « croyance » a priori, attitude très
« tendance » aujourd’hui mais néanmoins largement déconseillée par le Bouddha dans la Voie de
libération qu’il propose. Dans cette Voie, renaître sans cesse n’est pas quelque chose de souhaitable et
ne constitue pas en soi un processus de purification.
Dans l’histoire des religions et des philosophies, nombre de théories de la survivance de la
conscience (ou de « l’esprit ») ont été élaborées. Que ce soit la transmigration, fer de lance de diverses
traditions « initiatiques » ou « ésotériques » plus ou moins identifiées, la métensomatose de Plotin ou
la métempsychose de Pythagore, ou d’autres encore procédant un peu de toutes celles-ci, aucune ne
peut s’appliquer à la doctrine bouddhique car toutes présupposent l’existence d’une entité stable, de
quelque terme qu’on puisse la désigner, qui passerait d’un corps (ou tout autre « support ») à un autre.
Ces concepts tombent par conséquent tous dans la catégorie des vues éternalistes dont on trouve une
fine description dans le tout premier Sutta du Canon pæ li, le Brahmajæ la Sutta.
La position bouddhique est généralement peu comprise car il existe une très forte résistance
émotionnelle au concept d’anattæ , la plupart d’entre nous préférant entretenir des vues éternalistes,
sous quelque forme que ce soit, plutôt que contempler et réaliser l’évanescence de ce que l’on nomme
la « personnalité » ou l’» âme ». Certains, en dernier recours, postulent l’existence d’une « conscience
transcendante » à laquelle ils reconnaissent implicitement un caractère de pérennité qu’ils veulent bien
dénier aux aspects moins « nobles » de notre composante mentale. Le paradoxe veut que c’est
précisément cette vue (la croyance en la permanence, l’immuabilité de la personnalité, quelle que soit
sa forme, grossière ou subtile, et l’attachement subséquent) qui constitue le premier lien, et sans aucun
doute le plus solide, nous entraînant sans cesse dans le maelström des existences répétées (saµsæ ra).

 Essai de définition

Régénération et restructuration, la renaissance se caractérise par la réorganisation des énergies
vitales en fonction des affinités développées dans le passé, conséquence des actions volontaires et
consciemment acceptées (kamma), et manifestant des êtres vivants à différents niveaux d’évolution.
« Inconcevable est le commencement de cette errance (samsara). On ne peut découvrir un
premier commencement des êtres qui, aveuglés par l’ignorance, pris au piège du désir, se
ruent et se pressent dans la ronde des renaissances. »
Au sens absolu ce n’est pas un être réel, un soi déterminé, immuable, une entité-ego stable qui
renaît. Bien plus, il n’est rien qui demeure semblable même deux moments consécutifs, car les « cinq
agrégats » sont en état de changement perpétuel, de dissolution continuelle et de renouvellement. Ils
meurent à chaque instant et d’autres renaissent à chaque instant. D’où il s’ensuit qu’il n’y a pas une
chose semblable à une existence réelle ou « être » mais seulement un processus sans fin, une
transformation continuelle, un devenir (bhava) consistant en une « production » et en un « étant
produit », en un processus d’action (kamma bhava) et un processus de réaction ou renaissance (uppatti
bhava). C’est une continuité sans identité.
41
Ainsi le bouddhisme n’enseigne pas qu’une entité-ego perdurable se hâte au travers des
renaissances, mais seulement que des « vagues de vie », suivant leur nature et leurs activités
bénéfiques (kusala) ou néfastes (akusala), se manifestent sous diverses formes.
Les différents plans de renaissance (d’existence)
Ces formes sont traditionnellement décrites dans le contexte de ce que l’on nomme les « trenteet-
un plans d’existence » dans les Sutta. Ils s’échelonnent des royaumes « infernaux » où prédominent
la douleur et l’obscurité, jusqu’aux royaumes « divins », subgreys, raffinés et béatifiques.
L’existence dans chacun de ces domaines est non permanente. Dans la cosmologie bouddhique
il n’existe aucun « enfer » ou « paradis » éternels : les êtres apparaissent dans un domaine particulier
en fonction des fruits de leur kamma passé et de celui au moment de leur mort. Quand la force des
kamma les ayant propulsé dans ce domaine est épuisée, ils disparaissent et prennent renaissance
ailleurs selon leur kamma. C’est ainsi que le cycle proprement « infernal » se perpétue...
Les domaines d’existence sont généralement divisés en trois « mondes » (loka) distincts, listés
ici en ordre décroissant de raffinement :
– le monde immatériel (arupa-loka), comprenant quatre domaines accessibles à ceux qui
quittent cette vie alors qu’ils méditent sur les jhâna sans forme [51].
– le monde matériel subtil (rupa-loka), comprenant seize domaines dont les habitants (les
« deva ») expérimentent des degrés raffinés de plaisir mental. Ces domaines sont accessibles à ceux
qui sont parvenus à quelque niveau de jhâna et ont réussi, au moins temporairement, à se libérer de la
haine et du mauvais vouloir. On dit qu’ils possèdent des corps subtils de pure lumière. Les plus élevés
de ces domaines, les « Pures Demeures », ne sont accessibles qu’à ceux qui ont atteint au « nonretour
» (anæ gæ mø phala), la troisième étape vers la libération totale.
Le monde matériel subtil et le monde immatériel constituent les « Demeures Célestes » (sagga).
– le monde sensuel (kæ ma loka), comprenant onze domaines dans lesquels l’expérience,
plaisante ou non, est dominée par les sens. Sept de ces domaines sont des destinations favorables ;
elles incluent notre monde humain et plusieurs autres domaines occupés par des « deva ». Les
domaines inférieurs sont les quatre « destinations funestes » incluant les domaines animaux et
« infernaux ».
Il est vain de débattre afin de savoir si ces mondes sont des descriptions réalistes ou de simples
métaphores destinées à décrire divers états mentaux susceptibles d’être expérimentés dans cette vie
même. Le message de cette cosmologie est simplement celui-ci : à défaut de faire un effort pour se
libérer des griffes du kamma incontrôlé, nous sommes condamnés à errer sans jamais pouvoir
découvrir la paix et la fin de l’insatisfaction. Le noble Sentier du Bouddha nous fournit précisément
les outils dont nous avons besoin pour briser ce cycle, une fois pour toutes, et atteindre la véritable
liberté.

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42

 Conceptions erronées autour de la renaissance et du monde

« En tous lieux les faits imposent à l’homme la constatation du caractère transitoire de
tout ce qui l’entoure, mais cette constatation, qui lui est pénible, n’entame pas son désir
inné d’immortalité. Il s’y obstine, créant des mythes, des doctrines et des pratiques, tous
tendant à le réconforter, à le confirmer dans la foi qu’il chérit en son immortalité. »
(Alexandra David-Néel)

Dans l’histoire de la pensée religieuse et philosophique, éternalisme et nihilisme se partagent
également la vision que l’homme ordinaire (non éveillé) se construit par rapport au monde ou à
l’univers connaissable (le corps et le mental y compris). Ces deux extrêmes (comme toute vue extrême
ou spéculative) sont fréquemment dénoncés par le Bouddha en tant qu’opinions viciées ne pouvant
engendrer que la souffrance et l’errance.
La première vue est l’éternalisme. Elle concerne la doctrine ou la croyance en une vie éternelle
ou des choses éternelles. Antérieurement à l’époque du Bouddha il était enseigné l’existence d’une
entité permanente, capable de perdurer indéfiniment, et que l’homme pouvait vivre une vie éternelle
en préservant une « âme » immortelle afin de s’unir à l’Être Suprême. Dans le bouddhisme cet
enseignement est appelé sassata ditthi, la vue des éternalistes. De telles vues existent encore de nos
jours dans notre société moderne en raison de l’avidité de l’homme pour une éternité personnelle.
Pourquoi le Bouddha niait-il la doctrine éternaliste ? Tout simplement parce que lorsque nous
comprenons les choses de ce monde telles qu’elles sont, dans leur véritable perspective, nous ne
sommes pas en mesure de découvrir quoi que ce soit de permanent ou possédant une existence
éternelle. Les choses, les éléments changent et poursuivent ce processus en fonction des conditions
elles-mêmes changeantes dont ils dépendent. L’analyse nous permet de nous rendre compte par nousmême
du caractère erroné de la vue éternaliste.
La seconde vue concerne le nihilisme, l’opinion des nihilistes qui considèrent que la mort
débouche sur le néant et qu’il n’existe aucune continuité. Cette vue procède d’une philosophie
matérialiste refusant d’accepter la connaissance du conditionnement mental. Souscrire à une telle
philosophie c’est ne comprendre la vie que de façon partielle ; lorsque nous comprenons
l’enchaînement des conditions mentales et matérielles (loi de causalité) il n’est plus possible
d’entretenir ce genre de vue.
L’enseignement du kamma prouve suffisamment que le Bouddha n’a pas enseigné l’annihilation
après la mort ; cependant le bouddhisme n’accepte pas la « survie » en termes d’âme immuable mais
simplement dans le sens d’un purpleevenir, conçu de façon impersonnelle (anattæ ).

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 Illustration de la renaissance à travers les Textes

Selon les enseignements anciens du Bouddha la renaissance est la nouvelle manifestation d’une
existence, d’une vie (ou de vies), en dépendance des énergies développées dans le passé par le kamma,
c’est le corollaire direct de la théorie de la causalité exprimée ainsi :
« Quand cela est, ceci est ; cela apparaissant, ceci apparaît. Quand cela n’est pas, ceci
n’est pas ; cela cessant, ceci cesse. » (Majjhima Nikæ ya)
Illustration la plus immédiate de l’interdépendance, elle est inséparable du kamma et permet aux
effets du kamma de se manifester dans des conditions particulières :
« Ainsi celui qui s’abstient de léser des êtres vivants, de commettre des vols, de se
complaire dans les plaisirs sensuels, de proférer des mensonges, des paroles
calomnieuses, des paroles grossières, des propos frivoles, qui s’abstient de convoiter,
possède une pensée sans aversion et demeure dans des opinions non fausses, obtient des
résultats agréables, qui se produisent tantôt dans cette vie même, tantôt dans la vie
suivante, tantôt dans d’autres occasions se produisant au-delà de la vie suivante. »
(Mahæ kamma Vibha³ga Sutta).
Le bouddhisme donne avant tout une explication psychologique de la renaissance, exemplifiée
dans le premier verset du Dhammapada [52] :
« Le mental est l’avant-coureur des conditions, le mental en est le chef, et les conditions
sont façonnées par le mental. »
La renaissance se manifeste d’instant en instant ; c’est un processus impersonnel auquel les
termes de « réincarnation » ou « transmigration » ne peuvent convenir :
« – Vénérable Næ gasena, la renaissance est-elle possible sans transmigration ?
– Oui, ô Roi.
– Mais comment, Vénérable, la renaissance est-elle possible sans qu’il y ait quoi que ce
soit qui passe d’une vie à l’autre ? Donnez-moi une comparaison.
– Si on allume un flambeau à un autre flambeau, peut-on dire que le premier a
transmigré dans le second ?
– Non, Vénérable !
– De même la renaissance peut s’effectuer sans transmigration. » (Milinda Pañha)
En fait, au sens ultime :
« Il n’existe aucun auteur pour les actes commis ni quelqu’un qui reçoit les sensations
venant des résultats. Seuls s’écoulent les facteurs constituants. Sur ce sujet, cela est la
vue correcte. » (Visuddhimagga) [53]
« – Vénérable, qu’est-ce qui doit renaître ?
– Seule une combinaison psychophysique renaît, ô Roi.
– Mais de quelle façon, Vénérable ? Est-ce la même combinaison que celle qui existe
actuellement ?
– Non, ô Roi. Mais la combinaison psychophysique présente produit des activités
volitionnelles fastes et néfastes, et c’est par l’intermédiaire de ce kamma qu’une nouvelle
combinaison psychophysique sera suscitée. » (Milinda Pañha)
Toutes questions sur la renaissance et ses modalités sont fortement découragées dans le
bouddhisme ancien. Les réponses que l’on peut construire, à défaut d’être issues de la vision directe,
non obstruée, engendrée par l’Éveil, constituent des obstacles sur la Voie de la libération de
l’insatisfaction et de la souffrance :
« L’être non éveillé, non instruit, s’interroge ainsi d’une façon impropre : “ Ai-je existé
dans le passé ?, N’ai-je pas existé dans le passé ? Qu’ai-je été dans le passé ? Serai-je
dans le futur ? Ne serai-je pas dans le futur ? Que serai-je dans le futur ? Comment
serai-je dans le futur ? ” » (Sabbæ sava Sutta)
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Plutôt que de spéculer sur les modalités de la renaissance, le bouddhisme invite avant tout à
comprendre les causes de cette renaissance :
« C’est cette soif qui produit la ré-existence et le purpleevenir, qui, liés à une avidité
passionnée, trouve une nouvelle jouissance tantôt ici tantôt là, c’est-à-dire la soif des
plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir et la soif de non-existence. »
(Saµyutta Nikæ ya)
Un pratiquant bouddhiste sincère ne cherche pas vraiment à savoir ce qui se passe après la mort
et ne spécule pas sur les différentes hypothèses fournies par les traditions religieuses ou matérialistes
en termes d’éternalisme ou d’annihilationisme ; il est plutôt invité à examiner la question « Y-a-t-il
une vie avant la mort ? » et à vivre dans la culture de la vigilance et des actions conduisant à
l’harmonie intérieure et extérieure.
« Pour l’individu libéré, ce qui est ancien est achevé. Il n’y a plus de production
renouvelée. Sa pensée est détachée vis-à-vis des existences nouvelles. De tels sages qui
ont ainsi détruit les germes de l’existence future, dépourvus de désirs de purpleevenir,
s’éteignent comme une lampe s’éteint. »
(Sutta Nipata)

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 La « recherche scientifique »

Parallèlement à une attitude dogmatique et une foi aveugle en la « réincarnation », exemplifiées
par des déclarations du style : « (...) la réincarnation est une vérité expérimentale. Depuis le début des
temps, des milliers d’hommes ont trouvé le souvenir de leurs vies antérieures. Si vous vous souvenez
de vos vies passées, vous n’avez pas besoin de démonstration. » (Dr Schnetlzer) , il existe une volonté
de « prouver scientifiquement » la réalité des « vies passées » (ainsi que d’autres aspects de la doctrine
bouddhique). Cette volonté constitue l’une des caractéristiques de ce « néo-bouddhisme » récemment
apparu dans les pays occidentaux, à tel point que l’on arrive à une autre attitude dogmatique clamant
de façon ostentatoire : « La réincarnation est maintenant un phénomène scientifiquement
acceptable. ». [54]
Afin de répondre à ces attitudes, typiques des vues extrêmes stigmatisées par le Bouddha, on
peut donner les deux arguments suivants. Si l’on s’en tient au contexte bouddhique, seuls les êtres
libérés (arahanta) et les bouddhas sont en mesure de « voir » leurs « existences antérieures », cette
faculté faisant partie des « pouvoirs » issus de l’émancipation par la connaissance transcendante. Il est
important de noter que cette connaissance est encore mondaine et ne constitue pas à elle seule l’Éveil,
qui nécessite d’autres conditions [72]. D’autre part les études les plus sérieuses conduites au Sri
Lanka, aux États-Unis et en Angleterre (par Francis Story, le Dr Stevenson et ses élèves, entre autres)
fournissent d’autres hypothèses pour tenter d’expliquer ces allégations de « vies antérieures ». [55]
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 Les dix liens (saµyojana)

Ils constituent l’une des caractéristiques fondamentales de l’Enseignement du Bouddha et, bien
qu’ils soient peu souvent mis en avant, il est difficile de se prétendre dans la Voie bouddhique si on les
ignore.
Ces liens ou substrats retiennent à la « Roue des renaissances » (saµsæ ra), et leur disparition
graduelle caractérise les différentes étapes de la progression vers l’état d’arahanta. Ils comprennent :
– Les liens inférieurs (orambhæ giya) :
1. sakkaya ditthi. Attachement au corps, fondé sur l’attachement aux « cinq agrégats », le
considérant comme « mien », comme quelque chose existant indépendamment. Conception erronée de
la personnalité comprenant vingt catégories exemplifiant toutes les conceptions éternalistes ou
annihilationnistes possibles.
2. vicikiccha . Indécision. Doute négatif, stérile, vis-à-vis des trois Joyaux (Refuges) et de
la pratique de sø la, samadhi, pañña . Différent du doute philosophique, légitime.
3. sø labbata paræ mæ sa. Attachement indu aux rites, cérémonies, aux règles et préceptes,
les considérant comme des fins en soi. Conception incorrecte selon laquelle les rituels et les voeux
conduisent à la libération et possèdent la prééminence sur les résultats de kamma. Croyance en
l’efficacité de pratiques extérieures au Dhamma ; cause du ritualisme, de la superstition et de la magie
noire.
4. kamarga. Désir sensuel.
5. vyapada ou patigha. Haine, malveillance.
– Les liens supérieurs (uddhambhæ giya) :
6. rupa ra ga. Puissant désir de renaître sous une forme matérielle (ou matérielle subtile).
Attachement au domaine matériel.
7. arþpa ræ ga. Convoitise pour l’existence immatérielle. Convoitise pour les « objets »
sans forme, immatériels, abstraits.
8. mæ na. Orgueil, égocentrisme, exaltation ou humiliation de soi-même. Comprend toutes
les formes de comparaison avec autrui. Désir de dominer, arrogance.
9. uddhacca. Arrogance, vanité. Distraction et agitation.
10. avijja . Ignorance des choses telles qu’elles sont.
Autre classification :
1. ka ma ra ga. Désir sensuel.
2. patigha. Irritation, aversion, résistance, répulsion.
3. mæ na. Orgueil.
4. ditthi. Point de vue, opinion, théorie, doctrine. Croyance a priori, construction
philosophique. Selon le contexte : parfois conceptions, vues erronées, parfois simples spéculations.
Concept à la base de très nombreux composés, exemplifiant le plus souvent les diverses théories en
vigueur à l’époque du Bouddha. Le Brahmajæ la Sutta en cite soixante-deux, illustrant toutes les
combinaisons possibles, en termes de spéculations philosophiques.
5. vicikicchæ . Doute stérile (différent du doute légitime).
6. sø labbataparæ mæ sa. Attachement ritualiste.
7. bhava ræ ga. Attachement à l’existence sans cesse renouvelée.
8. issæ . Envie, jalousie, mauvaise intention.
9. macchariya. Égocentrisme, avarice, appropriation, non-partage.
10. avijjæ . Ignorance.

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 Les facteurs de l’Éveil (bodhipakkhiya dhammæ )

Les « trente-sept facteurs de l’Éveil » ou « principes conduisant à l’Éveil » constituent le
résumé des points essentiels de l’Enseignement du Bouddha. Ces principes sont en effet applicables
(et appliqués) au sein de toute école bouddhique authentique et présentent une véritable carte
permettant de replacer tous les enseignements, de quelque origine qu’ils soient, dans le contexte de
l’essence de la pratique.
I. Les quatre applications de l’attention (satipatthana), les fondations de la vigilance :
1. observation du corps (ka ya nupassanæ )
2. observation des sensations (vedana nupassanæ )
3. observation de l’esprit, du « mental-coeur » (citta nupassanæ )
4. observation des objets mentaux, des phénomènes (dhammæ nupassanæ ).
II. Les quatre efforts (padha na ou samma va ya ma)
Ils représentant l’aspiration à ce qui est le plus élevé, ils incluent :
1. l’effort d’éviter les « souillures » (saµvarapadha na)
2. l’effort d’abandonner actions corporelles et pensées néfastes (paha napadha na)
3. l’effort de développer l’esprit (bha vana padha na)
4. l’effort de maintenir les états positifs (anurakkhana padha na).
III. Les quatre chemins vers les pouvoirs supranormaux (iddhipa da) [56].
Ils constituent la base des pouvoirs et la voie y conduisant, et représentent ce que l’on
appelle les quatre bases du succès :
1. rassemblement de la détermination (chanda sama dhi)
2. rassemblement de l’énergie (viriya sama dhi)
3. rassemblement du mental-coeur (citta sama dhi)
4. rassemblement de l’examen approfondi, de la connaissance transcendante (vø maµsæ samæ dhi).
IV. Les cinq facultés (indriya) :
1. faculté de confiance [57], de foi (saddhindriya)
2. faculté d’énergie (viriyindriya)
3. faculté d’attention (satindriya)
4. faculté de rassemblement de l’esprit (samæ dhindriya)
5. faculté de connaissance transcendante (paññindriya).
V. Les cinq pouvoirs (bala) ou forces :
1. pouvoir de confiance, de foi (saddha bala)
2. pouvoir d’énergie (viriyabala)
3. pouvoir de vigilance (satibala)
4. pouvoir d’unification de l’esprit (sama dhibala)
5. pouvoir de connaissance transcendante (paññæ bala).
Auxquels on ajoute parfois :
6. pouvoir de conscience personnelle (hiribala)
7. pouvoir de circonspection (ottapabala)
8. pouvoir de méditation (bhæ vanæ bala).
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VI. Les sept éléments ou membres de l’Éveil (bojjhanga)
Ce sont les éléments nécessaires à l’obtention de la connaissance suprême d’un bouddha :
1. vigilance, attention (sati)
2. examen approfondi des choses conditionnées, des éléments, de l’esprit et de la matière
(dhammavicaya)
3. énergie, persévérance (viriya)
4. joie intense (pø ti)
5. calme du corps et de l’esprit (passaddhi)
6. équilibre, unification de l’esprit (sama dhi)
7. égalité d’esprit, observation détachée (upekkhæ )
VII. Le noble Sentier aux huit branches (ariyamagga ou att hangika magga).
Il constitue la quatrième des Vérités nobles [voir p. 29] :
1. compréhension, conception correcte (sammæ ditthi)
2. aspiration, décision correcte (sammæ sankappa)
3. parole correcte (samma vaca )
4. action correcte (sammæ kammanta)
5. mode de vie correct (sammaæ ji va)
6. effort correct (sammæ va ya ma)
7. attention, vigilance remémorative correcte (samma sati)
8. unification de l’esprit correcte (sammæ samadhi).

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 Le Nibbana

Pouvant signifier littéralement « sans effort de souffler », ce concept possède diverses
étymologies, non forcément exclusives : « sans flèche qui transperce », « éloignement de l’esclavage
du désir », « dénouement des liens », etc. Ce qui est plus généralement suggéré est l’image de
l’extinction d’une flamme par épuisement du combustible. D’où :
. extinction des « feux » des trois « poisons de l’esprit » 
. cessation de la souffrance par cessation de la malveillance, de la convoitise et de l’illusion.
Le nibbæ na représente la Paix ultime dont la saveur peut être expérimentée dans cette vie même,
la libération de tous les états conditionnés, de tous les attachements. Il met fin à toute possibilité de
production d’énergies susceptibles de manifester des êtres vivants, à quelque niveau d’évolution que
ce soit.
Il fait partie de ces concepts qu’il est préférable de ne pas traduire plutôt que d’induire une
quelconque connotation nihiliste ou éternaliste. Cette attitude est d’autant plus encouragée dans la
pratique bouddhique que l’accent est mis plutôt sur les moyens d’accéder au but que sur la description
et la tentative de définition du but.
Sa complexité est illustrée par la manière dont il est abordé dans les Écritures. On considère
qu’il en existe deux sortes :
1. savupæ disesanibbæ na (upæ disesanibbæ na), libération avec les « combustibles » de la vie qui
demeurent. Caractéristique du nibbæ na atteint par un « émancipé » (arahanta), en qui tous les liens
(saµyojana) sont éliminés, ou par un bouddha de son vivant
2. anupæ disesanibbæ na, libération ultime sans aucun substrat de renaissance. Caractéristique du
nibbæ na expérimenté à la mort.
Le nibbæ na possède de nombreuses caractéristiques, à connotations positives ou négatives :
atakkæ vacara (au-delà de la pensée conceptuelle), abhþta (sans origine), acchariya ou abbhuta
(merveilleux), ajæ ta (non né), akata (non créé), asa³khata (non conditionné), anakkhæ ta (ineffable),
anattæ (impersonnel), avacanø ya ou avyæ kata (indescriptible), nippapañca (indifférencié), parama
sukha (bien-être suprême), upasama (apaisement).
Dans les Écritures on lui trouve de nombreux synonymes ou quasi-synonymes :
vimokha (émancipation), amaræ vatø (royaume non soumis à la mort), amata (non soumis à la
déchéance), asammosa dhamma (état « sans erreur »), asa³khatadhæ tu (état non conditionné, non
composé), pa¼ø ta (transcendant), pæ ra (« l’autre rive »), attha (but suprême), kalyæ ¼ a (beau,
bienfaisant), nissara¼ anirodha (complète disparition des « souillures »), maggaphala (le fruit du
Sentier), paramattha (le bien, l’idéal le plus élevé), santi (paix, tranquillité), siva (abri, félicité), tæ ¼ a
(sécurité, refuge), upadhiviveka (détachement de tous les substrats de l’existence), yogakkhema
(libération des liens, sécurité).


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