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     Les vérités 


Introduction


  
Vérité ultime
La Première Noble Vérité
La Seconde Noble Vérité
La Troisième Noble Vérité
La Quatrième Noble Vérité

La vérité naturelle


 
  Vérité conventionnelle
Vérité conventionnelle

Introduction

  La vérité ultime et la vérité conventionnelle


Dans le monde, nous discutons, exprimons, jugeons, donnons des opinions, etc.…, généralement nous parlons de la vérité conventionnelle en pensant parler de la vérité ultime, certaines gens disent qu'il n'y a pas de vérité ultime : qu'il n'a que la vérité relative ou la vérité conventionnelle. En résumé, la vérité conventionnelle n'est que le résultat de l'analyse propre à chaque individu : Votre idée n'est pas juste, la mienne est juste, cette chose est mauvaise celle-là est bonne. Cette idée et cette chose sont justes ou bonnes pour les uns, mais ils sont injustes, mauvais pour les autres. Ainsi le débat, le conflit entre ces deux opinions apparaît pour prouver leur raison, leur vérité ultime.
Bouddha disait l’existence de deux vérités :


1-Vérité ultime (paramattha sacca) divisée en : Les Quatre nobles de vérités (Cattari Ariyasacca) et Vérité naturelle (saphava sacca)
2- Vérité conventionnelle (sammuti sacca) .

Le coeur de l'enseignement du Bouddha est contenu dans « les Quatre Nobles Vérités » (Cattari Ariyasaccani) qu'il exposa dans son premier sermon devant ses anciens compagnons, les cinq ascètes, à Isipatana (moderne Sarnath), près de Bénarès. Dans ce sermon, tel qu'il nous est donné dans les textes originaux, ces quatre Vérités sont énoncées brièvement. Mais celles-ci se trouvent expliquées avec plus de détails et de différentes manières en de nombreux autres endroits des écritures. Si nous étudions les Quatre Nobles Vérités à l'aide de ces références et de ces explications, nous obtenons un assez bon exposé, suffisamment précis, des enseignements essentiels du Bouddha, tel que ceux-ci ressortent des textes originaux.
Les Quatre Nobles Vérités sont :
1. Dukkha :(la Souffrance), La Première Noble Vérité
2.Samudaya : l'apparition ou l'origine de dukkha (l'origine de la souffrance), La Seconde Noble Vérité
3.Nirodha : la cessation de dukkha (la cessation de la souffrance), La Troisième Noble Vérité
4.Magga : le sentier (qui conduit à la cessation de dukkha ou la souffrance), La Quatrième Noble Vérité

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  I -La vérité ultime 
 
La Première Noble Vérité : Dukkha (la souffrance).
 
La Première Noble Vérité (Dukkha-ariyasacca) est généralement traduite par la plupart des érudits : « La Noble Vérité de la Souffrance », et elle est interprétée comme signifiant que la vie ne serait, selon le Bouddha, que souffrance et douleur. Cette traduction et cette interprétation sont tout à fait insuffisantes et trompeuses. C'est par suite de cette traduction trop étroite, libre et facile, et de l'interprétation superficielle à laquelle elle conduit, que beaucoup de personnes tiennent, à tort, le bouddhisme pour une doctrine pessimiste.
Disons avant tout que le bouddhisme n'est ni pessimiste ni optimiste. Si on devait lui donner un qualificatif, ce serait celui de réaliste qui conviendrait. Sa vision de la vie et du monde est absolument réaliste. Il regarde les choses objectivement (yathabhûtam). Il ne cherche pas à nous bercer de l'illusion que nous vivons dans un paradis trompeur, il ne cherche pas non plus à nous effrayer par toutes sortes de péchés et de craintes imaginaires. Il nous dit objectivement ce que nous sommes et ce qu'est le monde qui nous entoure ; il nous montre le sentier de la liberté parfaite, de la paix, du calme et du bonheur.
Un médecin peut gravement exagérer une maladie et renoncer à l'espoir de la traiter. Un autre pourra au contraire affirmer par ignorance qu'il n'y a pas de maladie et qu'aucun traitement n'est nécessaire, trompant ainsi son malade par de fausses assurances. On peut appeler l'un pessimiste et l'autre optimiste. Tous deux sont également dangereux. Mais un troisième médecin pourra faire un diagnostic correct, comprendre la cause et la nature de la maladie, voir clairement qu'elle peut être traitée ; il administrera courageusement le remède convenable et sauvera son patient. Le Bouddha est semblable à ce médecin. Il est le sage et savant docteur des maux du monde (Bhisakka ou Bhaisajya-guru).
Il est vrai que dans l'usage courant le mot pali dukkha (dukkha en sanskrit) a le sens de « souffrance », « douleur », « peine », « misère », par opposition au mot sukha qui signifie « bonheur n, « aise n, « bien-être ». Mais le terme dukkha en tant qu'il exprime la Première Noble Vérité qui représente le point de vue du Bouddha sur la vie et le monde, revêt un sens plus profondément philosophique et comporte des significations beaucoup plus étendues. On admet que le mot dukkha, dans l'énoncé de la Première Noble Vérité, comporte évidemment le sens courant de « souffrance », mais qu'en plus il implique les notions plus profondes d' « imperfection », d’« impermanence », de « conflit », de « vide », de « non-substantialité ». Il est donc bien difficile de trouver un mot qui embrasse tout ce que contient le terme dukkha dans l'énoncé de la Première Noble Vérité. Par conséquent, il vaut mieux s'abstenir de le traduire que de risquer d'en donner une notion inadéquate et fausse en le rendant simplement par « souffrance » ou « douleur ».
Le bonheur et la souffrance sont relatifs. La vie ne peut pas être uniquement bonheur ou souffrance. Le Bouddha ne nie pas le bonheur qu'on rencontre dans la vie quand il constate qu'il y a de la souffrance. Il admet au contraire qu'il y a différentes formes de bonheur, matériel et spirituel, pour les laïcs aussi bien que pour les moines. Dans l'Anguttara-nikaya qui est l'un des recueils originaux en pali contenant les discours du Bouddha, on trouve une énumération de différentes formes de bonheur (sukhani) tel que le bonheur de la vie de famille, de la vie solitaire, des plaisirs des sens, du renoncement, de l'attachement et du détachement, le bonheur physique et le bonheur mental, etc .Mais tout cela est inclus dans dukkha. Même les très purs états spirituels de dhyana (recueillement) atteints par la pratique de la plus haute méditation, libres même de l'ombre de la souffrance dans le sens ordinaire du mot, décrits comme un bonheur sans mélange ; même l'état de dhyana qui est libéré de toute sensation agréable (sukha) ou désagréable (dukkha) et qui n'est plus que sérénité et attention pure même ces très hauts états spirituels sont compris dans dukkha. Dans un des sutta du Majjhima-nikaya (un des cinq recueils originaux), le Bouddha, après avoir fait l'éloge du bonheur spirituel de ces dhyana, dit qu'ils sont « impermanents, dukkha et sujets au changemment » (anicca dukkha viparinamadhamma) . Il convient de noter que le mot dukkha est ici employé explicitement. Ces états sont dukkha non pas parce qu'ils comporteraient de la « souffrance » au sens ordinaire, mais parce que « tout ce qui est impermanent est dukkha » (yad aniccam tam dukkham).
Le Bouddha était réaliste et objectif. II a dit qu'en ce qui concerne la vie et les plaisirs des sens, trois choses devraient être comprises clairement : 1. l'attraction ou jouissance (assada), 2. Les conséquences mauvaises, le danger, l'insatisfaction (adinava) et 3. la libération (nissarana).
D'après cela, il est évident que ce n'est pas une question de pessimisme ou d'optimisme, mais que nous devons tenir compte des plaisirs de la vie aussi bien que de ses douleurs et de ses peines, et également de la possibilité de s'en libérer afin de comprendre la vie objectivement. C'est ainsi seulement que la libération véritable deviendra possible. Le Bouddha dit à ce sujet :
« O bhikkhus, si les solitaires ou brahmana ne comprennent pas objectivement de cette manière la jouissance des plaisirs des sens comme jouissance, leur insatisfaction comme insatisfaction, la libération à leur égard comme libération, il n'est alors pas possible qu'ils comprennent par eux-mêmes d'une façon certaine et complète le désir pour les plaisirs des sens, ni qu'ils soient capables d'instruire à cette fin une autre personne, ni que cette personne en suivant leur enseignement comprenne complètement le désir pour les plaisirs des sens. Mais, ô bhikkhus, si des solitaires ou bràhmana comprennent objectivement de cette manière la jouissance des plaisirs des sens comme jouissance, l'insatisfaction de ceux-ci comme insatisfaction, la libération de ceux-ci comme libération, alors il leur sera possible de comprendre par eux-mêmes d'une façon certaine et complète le désir pour les plaisirs des sens et de pouvoir instruire à cette fin une autre personne et que cette personne en suivant leur enseignement comprenne complètement le plaisir des sens 6.
La notion de dukkha peut être considérée de trois points de vue différents :
1. Dukkha en tant que souffrance ordinaire (dukkha-dukkha), 2. dukkha en tant que souffrance causée par le changement (viparma-dukkha), et 3. dukkha en tant qu'état conditionné (samkhâra-dukkha).
Toutes sortes de souffrance, comme la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, l'association avec des personnes désagréables ou la dépendance de conditions déplaisantes, la séparation d'avec des êtres aimés ou la perte de conditions plaisantes, ne pas obtenir ce qu'on désire, la douleur, les lamentations, la détresse, - toutes les formes analogues de souffrance physique et mentale, qui sont universellement admises comme souffrance, sont comprises dans dukkha en tant que souffrance ordinaire (dukkha-dukkha).
Un sentiment heureux ou une condition de vie heureuse, n'est pas permanent, n'est pas éternel. Un changement interviendra tôt ou tard. Quand il survient, il y a douleur, souffrance, peine. Cette vicissitude est comprise dans dukkha en tant que souffrance produite par le changement (viparinama-dukkha).
Il est facile de comprendre les deux aspects de dukkha qu'on vient de mentionner. Personne ne les niera. Ces deux aspects de la Première Noble Vérité sont plus connus parce qu'ils sont faciles à comprendre, et font partie de l'expérience courante de notre vie quotidienne.
Mais le troisième aspect de dukkha en tant qu'état conditionné (samkhara-dukkha) est l'aspect philosophique le plus important de la Première Noble Vérité. Cet aspect nécessite quelques explications et il nous faudra analyser ce qu'on entend par « être », « individu » ou « moi ».
Ce que nous nommons « être », « individu » ou « moi », c'est seulement, selon la philosophie bouddhiste, une combinaison de forces ou d'énergies physiques et mentales en perpétuel changement, qu'on peut diviser en cinq groupes ou agrégats (pancakkhandha). Le Bouddha dit ; « En résumé, ces cinq agrégats d'attachement sont dukkha . » Ailleurs, il définit nettement dukkha comme étant les cinq agrégats : « O bhikkhus, qu'est-ce que dukkha ? Il faut dire que c'est les Cinq Agrégats de l'attachement . » Il importe, ici, de bien comprendre que dukkha et les cinq agrégats ne sont pas des choses différentes ; les cinq agrégats sont eux-mêmes dukkha. Nous le comprendrons mieux lorsque nous aurons une idée plus nette de ce que sont ces cinq agrégats dont l'ensemble est appelé un « être ». Que sont-ils donc ?
Les Cinq Agrégats : Le premier est l'Agrégat de la Matière (rûpakkhanda). On désigne sous ce terme les quatre grands éléments traditionnels (symbolisés par la terre, l'eau, le feu, l'air) (cattari 'manabhu tani) : solidité, fluidité, chaleur et mouvement et aussi les dérivés (upadaya-rupa) de ces quatre grands éléments . Sous ce terme de dérivés des quatre grands éléments, on comprend les cinq organes matériels des sens, à savoir les facultés de l'oeil, de l'oreille, du nez, de la langue, du corps, et les objets qui leur correspondent dans le monde extérieur, c'est-à-dire les formes visibles, les sons, les odeurs, les saveurs et les choses tangibles, et également telles pensées, idées et conceptions qui appartiennent au domaine des objets mentaux (dharmayalana). Le domaine entier de la matière, tant intérieur qu'extérieur, est ainsi englobé dans ce qu'on appelle l'Agrégat de la Matière.
Le second est l'Agrégat des Sensations (vedanakkhanda). Sont comprises dans ce groupe toutes les sensations, plaisantes, déplaisantes ou neutres, que nous éprouvons dans les contacts des organes physiques et de l'organe mental avec le monde extérieur. Celles-ci sont de six sortes : sensations nées du contact de l'oeil avec les formes visibles, de l'oreille avec les sons, du nez avec les odeurs, de la langue avec les saveurs, du corps avec les objets tangibles et de l'organe mental (qui constitue une sixième faculté dans la philosophie bouddhiste) avec les objets mentaux, pensées ou idées. Toutes nos sensations, qu'elles soient d'ordre physique ou mental, sont comprises dans ce groupe.
Il convient, ici, de dire un mot de ce que la philosophie bouddhiste entend par « organe mental » (manas). Il faut bien comprendre que l'organe mental n'est pas « esprit » par opposition à la « matière ». On devra toujours se rappeler que le bouddhisme ne conçoit pas l'esprit comme s'opposant à la matière ainsi que cela est admis dans d'autres systèmes philosophiques. Pour lui, l'organe mental est seulement une faculté ou un organe (indriya) au même titre que l'oeil ou l'oreille. Il peut être contrôlé et développé comme les autres facultés et le Bouddha parle très souvent de l'utilité de contrôler et de discipliner les six facultés. La différence entre l'oeil et l'organe mental, en tant que facultés, réside seulement en ce que le premier perçoit le monde des couleurs et des formes visibles, tandis que le second perçoit le monde des idées, des pensées, qui sont les objets mentaux. Nous faisons l'expérience de domaines différents par le moyen de sens différents. Nous ne pouvons pas entendre les couleurs, mais nous les voyons. Nous ne pouvons pas non plus voir les sons, nous les entendons. Ainsi par nos cinq organes des sens physiques, l'oeil, l'oreille, le nez, la langue, le corps, nous faisons l'expérience du monde des formes visibles, des sons, des odeurs, des saveurs, des objets tangibles. Mais ceux-ci ne constituent qu'une partie du monde, non la totalité. Et les idées, les pensées ? Elles font pourtant elles aussi partie du monde, mais elles ne peuvent pas être perçues au moyen de l'oeil, de l'oreille, etc. Elles sont perçues par une autre faculté qui est l'organe mental. Les idées et les pensées ne sont pas indépendantes du monde extérieur dont les cinq facultés physiques font l'expérience. Elles dépendent en fait de ces expériences physiques et elles sont conditionnées par celles-ci. C'est ainsi qu'une personne née aveugle ne peut pas se faire une idée des couleurs, sauf par des analogies sonores ou autres, éprouvées par d'autres facultés. Les idées et les pensées qui font partie du monde où nous vivons sont donc produites et conditionnées par des sensations de nature physique et elles sont conçues par l'organe mental (manas), qui est donc conçu comme une faculté sensible ou comme un organe (indriya) à l'instar de l'oeil, de l'oreille, etc.
Le troisième agrégat est l'Agrégat des Perceptions (sannâkkhandha). De même que les sensations, les perceptions sont également de six sortes, en relation avec les six facultés intérieures et les six sortes d'objets extérieurs. Comme les sensations, elles résultent de la mise en rapport de nos six facultés avec le monde extérieur. Ce sont les perceptions qui reconnaissent les objets physiques ou mentaux
Le quatrième agrégat est l'Agrégat des Formations mentales (samkharakkhandha). Ce groupe comprend tous les actes volitionnels bons ou mauvais. Ce qui est connu généralement sous le nom de karma (Pali : kamma) figure dans ce groupe. La définition du karma par le Bouddha doit être rappelée ici : « C'est la volition (cetana), ô bhikkhus, que j'appelle karma. Ayant voulu, on agit au moyen du corps, de la parole et de l'organe mental. » « La volition est une construction mentale, une activité mentale. Sa fonction est de diriger l'esprit (citta) dans la sphère des actions bonnes, mauvaises ou neutres. » De même que les sensations et les perceptions, la volition a six formes : celles-ci sont en rapport avec les six facultés intérieures et les six sortes d'objets correspondants (physiques et mentaux) dans le monde extérieur. Les sensations et les perceptions ne sont pas des actes volitionnels. Elles n'ont pas d'effets karmiques. Ce sont seulement les actions volitionnelles, telles que l'attention (manasikara), la volonté (chanda), la détermination (adhimokkha), la confiance (saddha), la concentration (samadhi), la sagesse (panna), l'énergie (viriya), le désir (raga), la répulsion ou la haine (patigha), l'ignorance (avijja), la vanité (mana), l'idée du soi (sakkaya-ditthi), etc., qui peuvent avoir des effets karmiques. On énumère cinquante-deux activités mentales qui constituent l'Agrégat des Formations Mentales.
Le cinquième agrégat est l'Agrégat de la Conscience (vinnanakkhandha). La conscience est une réaction, une réponse, qui a pour base une des six facultés (oeil, oreille, nez, langue, corps et esprit) et qui a pour objet un des phénomènes extérieurs correspondants (formes visibles, sons, odeurs, saveurs, choses tangibles et objets mentaux, c'est-à-dire les idées et pensées). Par exemple, la conscience visuelle (cakkhu-vinnana) a pour base l'oeil et pour objet une forme visible. La conscience mentale (mano-vinnana) a pour base l'organe mental (manas) et l'idée ou la pensée (dhamma) pour objet. Il en est de même pour la conscience liée aux autres facultés. Ainsi donc, comme la sensation, la perception et la volition, la conscience a six formes en relation avec les six facultés intérieures et en correspondance avec les six sortes d'objets extérieurs .
Il faut bien comprendre que la conscience ne reconnaît pas un objet, elle est seulement un acte d'attention, d'attention à la présence d'un objet. Quand l'oeil entre en contact avec une couleur, le bleu par exemple, la conscience visuelle apparaît qui n'est simplement qu'attention à une couleur (le fait de s'aviser de la présence d'une couleur) ; mais elle ne reconnaît pas que c'est du bleu. Il n'y a pas de reconnaissance à ce stade. C'est la perception (le troisième Agrégat dont nous avons parlé plus haut) qui reconnaît que la couleur est bleue. Le terme « conscience visuelle » est une expression philosophique qui répond à la même idée que celle exprimée par le terme ordinaire de «vision ». « Voir », en effet, ne veut pas dire « reconnaître » ; on peut faire la même observation pour chacune des autres formes de conscience.
II faut répéter que d'après la philosophie bouddhiste, il n'y a pas d'esprit permanent, immuable, qui puisse être appelé «soi », « âme » ou « ego », par opposition à la matière et que la conscience (vinnana) ne doit pas être considérée comme esprit par opposition à la matière. On doit particulièrement insister sur ce point parce que la notion erronée que la conscience est une sorte de Soi, ou d'Ame qui se maintient, formant une essence permanente, tout au long de la vie, a persisté depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours.
Un des disciples de Bouddha, nommé Sati, soutenait que le Maître avait enseigné : « C'est la même conscience qui transmigre et qui erre.» Le Bouddha lui demanda de lui expliquer ce qu'il entendait par « conscience ». La réponse de Sâti est classique : « C'est ce qui exprime, sent, éprouve les résultats des actions bonnes et mauvaises ici et là. »
« A qui m'avez vous entendu enseigner la doctrine de cette façon, O stupide ? N'ai-je pas, de beaucoup de manières, expliqué la conscience comme naissant de conditions ? Il n'y a pas de naissance de la conscience sans conditions. » Et le Bouddha se mit alors à expliquer la conscience en détail : « La conscience est nommée suivant la condition à cause de laquelle elle prend naissance : à cause de l'oeil et des formes naît une conscience et elle est appelée conscience visuelle ; à cause de l'oreille et des sons naît une conscience et elle est appelée conscience auditive ; à cause du nez et des odeurs naît une conscience et elle est appelée conscience olfactive ; à cause de la langue et des saveurs naît une conscience et elle est appelée conscience gustative ; à cause du corps et des objets tangibles naît une conscience, et elle est appelée conscience tactile ; à cause de l'organe mental et des objets mentaux naît une conscience et elle est appelée conscience mentale. »
Et le Bouddha l'expliqua encore au moyen de l'illustration suivante : Un feu est nommé d'après le combustible qui l'agreynte. Si c'est du bois on l'appelle un feu-de-bois; si c'est de la paille on l'appelle un feu-de-paille. De même la conscience est nommée suivant la condition qui lui donne naissance
Insistant sur cette question, Buddhaghosa, le grand commentateur, explique «... un feu qui brûle à cause du bois, brûle seulement s'il y a une provision (de combustible), mais il meurt en ce lieu même, s'il n'y a plus là de provision, parce qu'alors la condition a changé ; mais le feu ne se répand pas aux copeaux pour devenir un feu de copeaux et ainsi de suite ; de la même
manière la conscience qui naît à cause de l'oeil et les formes visibles apparaît par cette porte de l'organe du sens (l'oeil) seulement quand existent les conditions de d'oeil, de la forme visible, de la lumière et de l'attention, mais elle (la conscience) cesse ici et maintenant quand elle (la condition) n'est plus là, parce qu'alors la condition a changé ; mais (la conscience) ne passe pas à l'oreille, etc. ... et ne devient pas conscience auditive, et ainsi de suite. »
Le Bouddha a déclaré en termes non équivoques que la conscience dépend de la matière, de la sensation, de la perception et des formations mentales et qu'elle ne peut pas exister indépendamment de ces conditions. Il dit :
« La conscience peut exister ayant la matière pour moyen (rùpupayam), la matière pour objet (rupàrammanam), la matière pour support (rûpapatittham), et cherchant sa jouissance, elle peut croître, grandir, se développer ; ou bien la conscience peut exister en ayant la sensation pour moyen... ou la perception pour moyen... ou les formations mentales pour moyen, les formations mentales pour objet, les formations mentales pour support et cherchant sa jouissance elle peut croître, grandir, se développer.
« S'il y avait un homme pour dire : je montrerai l'apparition, le départ, la disparition, la naissance, la croissance, l'élargissement ou le développement de la conscience indépendamment de la matière, de la sensation, de la perception et des formations mentales, il parlerait de quelque chose qui n'existe pas. »
En résumé, ce sont les Cinq Agrégats. Ce que nous appelons un « être », un « individu » ou « moi », est un nom commode, une étiquette que nous attachons à la combinaison de ces cinq constituants. Ceux-ci sont tous impermanents, en perpétuel changement. « Tout ce qui est impermanent est dukkha. » (Yad aniccam tam dukkham). C'est la véritable signification de ces mots du Bouddha : « En résumé, les cinq Agrégats d'Attachement sont dukkha. » Ceux-ci ne restent pas les mêmes à deux instants consécutifs. Ici, A n'est pas égal à A. C'est un flux d'apparitions et de disparitions instantanées.
« O Brahmana, c'est tout à fait comme une rivière de montagne qui va loin et qui coule vite, entraînant tout avec elle ; il n'y a pas de moment, d'instant, de seconde où elle s'arrête de couler, mais elle va sans cesse coulant et continuant. Ainsi, Brahmana, est la vie humaine, semblable à cette rivière de montagne. » Comme l'a dit le Bouddha à Ratthapâla : « Le monde est un flux continu et il est impermanent. »
Une chose disparaît, conditionnant l'apparition de la suivante en une série de causes et d'effets. Il n'y a pas de substance invariable. II n'y a rien derrière ce courant qui puisse être considéré comme un Soi permanent, une individualité, rien qui puisse être appelé réellement « moi ». Mais quand ces Cinq Agrégats physiques et mentaux, qui sont interdépendants, travaillent ensemble, en association, comme une machine psychophysiologique, nous formons l'idée d'un « moi ». C'est une notion fausse, une « formation mentale » qui n'est que l'une des cinquante-deux formations mentales du quatrième Agrégat dont nous avons déjà parlé : l'idée du soi (sakkaya-ditthi).
Ces Cinq Agrégats assemblés, que nous nommons un « être », sont dukkha même (samkhara-dukkha). Il n'y a pas d'autre « être » ou de « moi » qui se tienne derrière ces Cinq Agrégats, qui éprouve dukkha. Comme le dit Buddhaghosa :
« Seule la souffrance existe, mais on ne trouve aucun souffrant ; Les actes sont, mais on ne trouve pas d'acteur. »
Il n'y a pas de moteur immobile derrière le mouvement. Il y a seulement le mouvement. Ce n'est pas correct de dire que c'est la vie qui se meut, ce qui est vrai, c'est que la vie est le mouvement lui-même. Vie et mouvement ne sont pas deux choses différentes. Il n'y a pas de penseur derrière la pensée. La pensée est elle-même le penseur. Nous ne pouvons pas manquer ici de remarquer combien cette idée bouddhiste s'oppose diamétralement au « cogito ergo sum » cartésien : « Je pense, donc je suis. »
On peut, maintenant, se demander si la vie a eu un commencement. Selon le Bouddha un commencement au courant vital des êtres vivants est inconcevable. Celui qui croit que la vie a été créée par Dieu sera surpris par cette réponse. Mais si on lui demande « Quel est le commencement de Dieu ? » il répondra sans hésitation : « Dieu n'a pas de commencement », et sa propre réponse ne lui causera aucun étonnement. Le Bouddha dit « O bhikkhus, sans fin concevable est ce cycle de continuité (samsara) et le premier commencement des êtres errants, tournant en rond, enveloppés d'ignorance (avijja) et liés par les empêchements de la soif (désir, tanha) ne peut être conçu. » Et rappelant encore que l'ignorance est la cause principale de la continuité, de la vie, le Bouddha déclare : « Le premier commencement de l'ignorance (avijja) n'est pas perceptible de manière qu'on puisse postuler qu'il n'y eut pas d'ignorance au-delà d'un certain point défini. » Il n'est donc pas possible de dire que la vie n'a pas existé au-delà d'un point défini.
Telle est, en résumé, la signification de la Noble Vérité sur dukkha. Il est capital de comprendre cette première Noble Vérité, car le Bouddha dit : « Celui qui voit dukkha, voit aussi la naissance de dukkha ; Il voit aussi la cessation de dukkha et il voit aussi le sentier qui conduit à la cessation de dukkha. »
Cette constatation ne rend pas du tout mélancolique ou désolée la vie d'un bouddhiste, comme certains seraient bien à tort tentés d'imaginer. Tout au contraire, un vrai bouddhiste est le plus heureux des êtres. II n'a ni crainte ni anxiété. Il est toujours calme et serein. Ni les bouleversements, ni les calamités ne peuvent le troubler. Il voit les choses telles qu'elles sont. Le Bouddha ne fut jamais mélancolique ni lugubre. Ses contemporains l'ont décrit comme « toujours souriant » (mihitapubbamgama). Il est toujours représenté dans la peinture et la sculpture bouddhistes avec un visage heureux, serein, content et compatissant. On ne peut jamais discerner chez lui aucune trace de souffrance, d'angoisse ou de douleur. L'art et l'architecture, les temples bouddhistes ne donnent jamais une impression de mélancolie, ou de tristesse, il en émane, au contraire, une atmosphère de calme et de joie.
Bien que la vie contienne de la souffrance, un bouddhiste ne doit pas être morose à cause d'elle, il ne doit ni s'en irriter, ni s'impatienter. L'un des premiers maux de la vie, selon le bouddhisme, est la répugnance ou la haine. La répugnance (pratigha) est expliquée comme signifiant « la malveillance à l'égard des êtres vivants, devant la souffrance et ce qui se rapporte à la souffrance ; sa fonction consiste à produire une base pour un état malheureux, une conduite mauvaise ». C'est donc une erreur d'être impatient à propos de la souffrance. Etre impatient, s'en irriter, ne la fait pas disparaître. Cela ne fait au contraire qu'accroître notre affliction, qu'aggraver et rendre plus amère une situation déjà pénible. Ce qu'il faut, c'est évité de se laisser aller à l'impatience, à l'irritation, mais comprendre, au contraire, la souffrance, comprendre comment elle vient, comment on peut s'en débarrasser et y travailler avec patience, avec intelligence, avec détermination, avec énergie.
Il y a deux anciens textes bouddhistes 'd'une grande beauté poétique, appelée Theragatha et Therigatha qui sont remplis d'expressions joyeuses de disciples du Bouddha, hommes et femmes, qui avaient trouvé la paix et le bonheur en suivant son enseignement. Le roi de Kosala fit une fois la remarque, parlant au Bouddha, qu'à la différence de beaucoup d'adeptes d'autres systèmes religieux, les propres disciples du Bouddha « étaient joyeux et transportés (hattha-pahattha), jubilants et exultants (udaggudagga), heureux dans la vie spirituelle (abhiratarupa), leurs facultés satisfaites (pinitindriya), exempts d'anxiété (appossukka) sereins (pannaloma), paisibles (paradavutta) et vivant avec un esprit de gazelles (migabhùtena cetasa), c'est-à-dire d'un coeur léger ». Le roi ajouta qu'il croyait que ces heureuses dispositions étaient dues au fait que « ces Vénérables avaient certainement réalisé la haute et pleine signification de l'enseignement du Bienheureux ».
Le bouddhisme est tout à fait opposé à une attitude d'esprit mélancolique, triste, sombre et morose, qu'il tient pour un empêchement à la compréhension de la Vérité. Il faut ici se rappeler que la joie (piti) est un des sept bojjhamga, «Facteurs d'Eveil », qualités qu'il est essentiel de cultiver pour réaliser le Nirvâna


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La Seconde Noble Vérité : Samudaya:
L'apparition de Dukkha (l'origine de la souffrance)

La Seconde Noble Vérité est celle de l'apparition, ou de l'origine de dukkha (Dukkhasamudaya-ariyasacca). La définition la plus courante et la mieux connue de cette Seconde Vérité, celle qu'on rencontre en de nombreux endroits des textes originaux, est la suivante :
« C'est cette « soif » (ardent désir, tanha) qui produit la reexistence et le purpleevenir (ponobhavika), qui est liée à une avidité passionnée (nandi.ragasahagata) et qui trouve sans cesse une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là (tatratatrabhinandini), à savoir, 1. la soif des plaisirs des sens (kama-tanha), 2. la soif de l'existence et du devenir (bhava-tanha) et 3. la soif de la non-existence (auto-annihilation, vibhava-tanha)»
C'est cette soif, ce désir, cette avidité, cette cupidité qui, en se manifestant de manières variées, donne-naissance à toutes les formes de souffrance et à la continuité des êtres. Mais il ne faudrait pas la prendre pour la 'cause première, car il n'est pas possible qu'il y ait une cause première puisque, selon le bouddhisme, tout est relatif et interdépendant. Même cette « soif » (tanha), qui est considérée comme la cause, comme l'origine de dukkha, dépend pour son apparition (samudaya) d'une autre chose qui est la sensation (vedani ) ; et l'apparition de la sensation dépend du « contact » (phassa) ; et ainsi de suite, tourne le cercle qu'on désigne sous le nom de Production conditionnée (Patlicca-samupptida) et dont nous parlerons plus loin .
Ainsi, tanha, la « soif », n'est ni la première, ni l'unique cause de l'apparition de dukkha. Mais c'est la cause la plus palpable et la plus immédiate, « la chose principale » et « la chose qui est partout répandue . De là vient qu'en certains passages des textes originaux palis même, la définition de samudaya ou origine de dukkha comprend d'autres souillures et impuretés (kilesa sasava dharma), outre tanha, la « soif », à laquelle la première place est toujours donnée cependant . Dans les limites de développement de notre discussion auxquelles nous voulons nous tenir, il nous suffira de rappeler que cette « soif » a pour centre l'idée erronée de l'existence d'un « soi » qui provient de l'ignorance. Ici, le terme « soif n comprend non seulement le désir et l'attachement aux plaisirs des sens, à la richesse, à la puissance, mais aussi l'attachement aux idées, aux idéaux, aux opinions, aux théories, aux conceptions et aux croyances (dhammatanha ). Selon l'analyse qu'en a faite le Bouddha, tous les malheurs, tous les conflits dans le monde, depuis les petites querelles personnelles en famille jusqu'aux grandes guerres entre nations, ont leurs racines dans cette « soif » . Les hommes d'État qui s'efforcent de trouver une solution aux différends internationaux, et qui parlent de la guerre et de la paix seulement en termes politiques et économiques, ne touchent qu'à ce qui est superficiel et ils ne vont jamais à la vraie racine du problème. Comme le Bouddha l'a dit à Ratthapâla : « Le monde manque (souffre de frustration) et il désire avidement ; il est esclave de la « soif » (tanhadaso). »
Tout le monde admettra volontiers que tous les malheurs sont engendrés par le désir égoïste. Cela n'est pas difficile à comprendre. Mais comment ce désir, comment cette « soif » peut produire la reexistence et le purpleevenir (ponobhavika) n'est pas aussi aisé à saisir. C'est là qu'il nous faut discuter l'aspect philosophique le plus profond de la Seconde Noble Vérité en relation avec celui de la Première. Il nous faut nous faire ici une idée de ce qu'est la théorie du Karma et de la Renaissance. On distingue quatre Agreynts (àhàra) comme « cause » ou « condition » nécessaires à l'existence et à la continuation des êtres : 1. la nourriture matérielle ordinaire (kabalinkàràhàra), 2. Le contact des organes des sens (y compris l'organe mental) avec le monde extérieur (phassàhàra), 3. La conscience (vinnanàhàra) et 4. la volition mentale ou volonté (manosancetanàhara).
Parmi ces quatre Agreynts, le dernier, la « volition mentale », englobe la volonté de vivre, d'exister, d'exister de nouveau, de continuer, de devenir de plus en plus. C'est la racine de l'existence, de la continuité, de la lutte qu'on poursuit par des actes bons ou mauvais (kusalakusalakamma). C'est la même chose que la « volition » (cetana) ". Nous avons vu plus haut 12 que la volition est le karma, ainsi que le Bouddha l'a lui-même défini. Faisant allusion à la « volition mentale » le Bouddha dit : « Quand on comprend les agreynts de la volition mentale, on comprend les trois formes de la « soif » (tanha) 13. » Ainsi, les termes « soif », « volition », « volition mentale » et « karma » ont tous le même sens. Ils signifient le désir, la volonté d'être, d'exister, de re-exister, de devenir, de croître de plus en plus, d'accumuler sans cesse. C'est la cause de l'apparition de dukkha. Ce désir se trouve dans l'Agrégat des Formations mentales, l'un des cinq Agrégats qui constituent un être.
Nous rencontrons ici l'un des points les plus importants, absolument essentiel, de l'enseignement du Bouddha. Nous devons donc noter clairement, avec soin, et bien nous rappeler, que la cause, le germe de l'apparition de dukkha se trouve en dukkha même, que cette cause n'est pas extérieure. C'est ce que signifie la formule bien connue qu'on rencontre très souvent dans les textes originaux palis : Yam kinci samudayadhammam sabbam tant nirodhadhammam. « Tout ce qui a la nature de l'apparition, tout cela a la nature de la cessation ». » Un être, une chose, un système s'il a en lui-même la nature d'apparaître, de se manifester, il possède aussi en lui-même la nature, le germe de sa disparition, de sa destruction. Ainsi dukkha (les cinq Agrégats) a en lui-même la nature de sa propre apparition, et a aussi en lui-même la nature de sa cessation. Nous reviendrons sur ce point quand nous aborderons la troisième Noble Vérité, Nirodha. Le mot pali kamma (karma en sanskrit, de la racine kr, faire) signifie littéralement « acte » ou « action ». Mais dans la théorie bouddhiste du karma, ce mot revêt un sens spécifique : celui d' « action volontaire », et non pas de n'importe quelle action. Il ne signifie pas non plus le résultat du karma, sens dans lequel beaucoup de personnes emploient ce terme, à tort et bien inexactement. Dans la terminologie bouddhiste karma ne signifie jamais ses effets ; les effets du karma sont appelés « fruits » ou « résultats » (kamma-phala ou kamma-vipaka). La volonté, relativement, peut être bonne ou mauvaise, de même que, le désir peut-être bon ou mauvais. Un bon karma (kusala) produit de bons effets, alors qu'un mauvais karma (akusala) a de mauvais effets. La « soif », la volition, le karma, bon ou mauvais, a pour effet une force : la force de continuer - de continuer dans une direction bonne ou mauvaise. Le bien ou le mal, cela est relatif et se situe dans le cercle de continuité (samsara). Un Arahant, bien qu'il agisse, n'accumule pas de karma, parce qu'il est libéré de la fausse notion de soi, qu'il est libéré de la « soif » de continuité et de devenir, de toutes les autres souillures et impuretés (kilesa, sasava dhamma). Pour lui, il n'y a plus de re-naissance La théorie du karma ne doit jamais être confondue avec une soi-disant « justice morale n, avec la notion de « récompense » ou de « punition n. L'idée de justice morale, de récompense, de punition, provient de la conception d'un être suprême, d'un Dieu qui juge, qui est un législateur décidant de ce qui est bien et de ce qui est mal. Le mot « justice » est ambigu et dangereux, en son nom il est fait plus de mal que de bien à l'humanité. La théorie du karma est une théorie de causes et d'effets, d'action et de réaction ; elle exprime une loi naturelle qui n'a rien à voir avec l'idée d'une justice rétributive. Toute action qui est appuyée sur une volition produit ses effets, ses résultats. Si une bonne action produit de bons effets et une mauvaise action de mauvais effets, ce n'est pas une question de justice, ou de récompense ou de punition ordonnée par une puissance qui juge la nature de l'action, cela résulte simplement de la nature propre de celle-ci, de sa loi propre. Ce n'est pas difficile de le comprendre. Mais ce qui est difficile à concevoir, c'est que, suivant la théorie karmique, les effets d'une action basée sur une volition puissent continuer à se manifester même dans une vie posthume. Il nous faut donc expliquer maintenant ce qu'est la mort selon le bouddhisme. Nous avons vu qu'un être n'est qu'une combinaison de forces ou d'énergies physiques et mentales. Ce que nous appelons mort, c'est l'arrêt complet du fonctionnement de l'organisme physique. Ces forces, ces énergies prennent elles fin absolument avec la cessation du fonctionnement de l'organisme ? Le bouddhisme dit : non. La volonté, le désir, la soif d'exister, de continuer, de devenir, est une force formidable qui meut l'ensemble des vies, des existences, le monde entier. C'est la force la plus grande, l'énergie la plus puissante qui soit au monde. Selon le bouddhisme, elle ne cesse pas d'agir avec l'arrêt du fonctionnement de notre corps, qui pour nous est la mort, mais elle continue à se manifester sous une autre forme, produisant une re-existence qu'on appelle renaissance. Il vient à l'esprit une autre question : S'il n'y a pas d'entité permanente, immuable, s'il n'y a pas une substance telle qu'un Soi ou une Ame (atman), qu'est-ce donc qui peut re-exister, renaître après la mort ? Avant d'en venir à la vie après la mort, considérons donc ce qu'est la vie présente, comment, maintenant, elle se continue. Ce que nous appelons vie, nous l'avons déjà répété, c'est la combinaison des cinq Agrégats, une combinaison d'énergies physiques et mentales. Celles-ci changent continuellement, elles ne restent pas identiques pendant deux instants consécutifs. Elles naissent et meurent à chaque instant. " Quand les Agrégats apparaissent, déclinent et meurent, ô bhikkhu, à chaque instant vous naissez, vous déclinez, vous mourez . »
Par conséquent, même pendant la durée de cette vie, nous naissons et mourons à chaque instant, et pourtant nous continuons d'exister. Si nous pouvons comprendre qu'en cette vie nous pouvons continuer à exister, sans qu'il y ait une substance permanente, immuable, telle qu'un Soi ou une Ame, pourquoi ne pouvons-nous pas comprendre que ces forces elles-mêmes puissent continuer à agir sans qu'il y ait en elles un soi ou une âme pour les animer après que l'organisme physique a cessé de fonctionner ?
Lorsque ce corps physique n'est plus capable de fonctionner, les énergies ne meurent pas avec lui, mais elles continuent à s'exercer en prenant une autre forme, que nous appelons une autre vie. Chez un enfant, toutes les facultés physiques, mentales et intellectuelles sont tendres et faibles, mais elles possèdent en elles-mêmes la potentialité de produire un homme adulte. Les énergies physiques et mentales qui forment ce qu'on appelle un être sont douées en elles-mêmes du pouvoir de prendre une forme nouvelle, de croître graduellement et d'atteindre à leur pleine puissance. Comme il n'y a pas de substance permanente, immuable, rien ne se transmet d'un instant à l'autre. Ainsi, il est évident que rien de permanent, d'immuable ne peut passer ou transmigrer d'une vie à l'autre. C'est une série qui continue sans rupture, mais qui cependant change à chaque instant. La série à proprement parler, n'est rien que du mouvement. C'est comme une flamme qui brûle pendant la nuit : ce n'est pas la même, ce n'en est pas non plus une autre. Un enfant grandit, il devient un homme de soixante ans. Il est évident que cet homme n'est pas le même que l'enfant né soixante ans auparavant, mais qu'aussi ce n'est pas une autre personne. De même un homme qui meurt ici et renaît ailleurs n'est ni la même personne ni une autre (na ca so na ca anno). C'est une continuité de la même série. La différence entre la mort et la naissance n'est qu'un instant dans notre pensée : le dernier instant de la pensée en cette vie conditionnera le premier dans ce qu'on appellera une vie suivante, qui n'est en fait que la continuation de la même série. Pendant cette vie même un instant de la pensée conditionne le suivant. Ainsi, selon le point de vue bouddhiste, la question d'une vie après la mort ne constitue pas un grand mystère, et un bouddhiste ne se préoccupe pas du tout de ce « problème ». Tant qu'il y a la « soif » d'être et de devenir, le cycle de continuité (samsara) se poursuit. Il ne pourra prendre fin que lorsque la force qui le meut, cette « soif » même, sera arrachée, coupée, par la sagesse qui aura la vision de la Réalité, de la Vérité, du Nirvana.


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La Troisième Noble Vérité : Nirodha:
La Cessation de Dukkha (la cessation de la souffrance).

La Troisième Noble Vérité est qu'il existe une émancipation, une libération de la souffrance, de la continuité de dukkha. Elle est appelée la Noble Vérité de la Cessation de dukkha (Dukkhani¬rodha-ariyasacca) qui est le Nibbana, plus connue sous son nom sanskrit de Nirvâna. Pour éliminer complètement dukkha, on doit en éliminer la racine principale, la « soif » (tanha), ainsi que nous l'avons vu plus haut. C'est pourquoi le Nirvâna est connu aussi sous le terme de Tanhakkhaya qui signifie « extinction de la soif ». Vous demanderez maintenant : Mais qu'est-ce que le Nirvana? Des volumes ont été écrits pour donner une réponse à cette question bien naturelle et bien simple : ils n'ont fait qu'embrouiller la question plus qu'ils n'ont servi à l'éclaircir, La seule réponse raisonnable qu'on puisse faire est qu'il est impossible de répondre complètement et de manière satisfaisante par des mots, parce que le langage humain est trop pauvre pour pouvoir exprimer la vraie nature de la Vérité absolue, de la Réalité Ultime qui est le Nirvâna. Le langage a été créé et utilisé par la masse des êtres humains pour exprimer des choses et des idées qu'éprouvent leurs sens et leur esprit. Une expérience surhumaine comme celle de la Vérité absolue n'appartient pas à cette catégorie. I1 n'y a donc pas de mots qui puissent exprimer cette expérience, de même que le vocabulaire d'un poisson ne pourrait pas comporter de termes exprimant la nature de la terre ferme. La tortue dit à son ami le poisson qu'elle était revenue dans le lac après avoir fait une promenade sur la terre ferme. « Bien entendu, dit le poisson, vous voulez dire que vous y avez nagé. » La tortue essaya d'expliquer qu'on ne peut pas nager sur la terre, qu'elle est solide et qu'il faut marcher. Mais le poisson insistait affirmant qu'il ne pouvait y avoir rien de pareil, que c'était forcément 1 liquide comme un lac, qu'il devait y avoir des vagues et qu'on devait pouvoir y plonger et nager. Les mots sont des symboles qui représentent les choses et les idées qui nous sont familières ; ces symboles ne traduisent pas, n'ont pas la faculté d'exprimer, la nature véritable des choses mêmes les plus courantes. On doit comprendre que le langage est décevant et trompeur quand il s'agit de saisir la Vérité. C'est ainsi que le Lankavatara-sutra dit que les ignorants se laissent enliser dans les mots comme un éléphant dans la boue.
Nous ne pouvons pas néanmoins nous passer du langage. Mais si le Nirvâna doit être exprimé et expliqué en termes positifs, nous risquons immédiatement de nous attacher à une idée associée aux termes employés, qui pourra être tout à fait à l'opposé. C'est pourquoi on emploie en général des expressions négatives, ce qui est peut-être moins dangereux. On fait donc souvent allusion au Nirvâna à l'aide de termes négatifs comme Tanhakkhaya, « extinction de la soif », Asamkhata, « non-composé », « inconditionné », Viraga, « absence de désir », Nirodha, « cessation », Nibbana « extinction ». Voyons quelques définitions et descriptions du Nirvâna qu'on rencontre dans les textes pans originaux :
« C'est la cessation complète de cette « soif » (tanha), l'abandonner, y renoncer, s'en libérer, s'en détacher. «C'est calmer tout ce qui est conditionné, abandonner toutes les souillures, l'extinction de la « soif », lè détachement, la cessation, le Nibbâna . »
«O bhikkhus, qu'est-ce que l'Absolu (Asamkhata, l'Inconditionné) ? C'est, ô bhikkhus, l'extinction du désir (ragakkhayo), l'extinction de la haine (dosakkhayo), l'extinction de l'illusion (mohakkhayo). Cela, ô bhikkhus, est appelé « l'Absolu ».
«O Râdha, l'extinction de la « soif » (tanhakkhayo) est le Nibbâna ».
«O bhikkhus, quelles que soient les choses conditionnées ou inconditionnées, parmi elles, le détachement (viraga) est le plus élevé. C'est-à-dire, la liberté de vanité, la destruction de la a soif » , l'éradication de l'attachement, trancher la continuité, l'extinction de la « soif » (tanha), le détachement, la cessation, le Nibbana . »
La réponse de Sâriputta, le plus éminent disciple du Bouddha, à la question directe : « Qu'est-ce que le Nibbana ? » que lui avait posée un Parivrâjaka, est identique à la définition de Asamkhata, qu'avait donnée le Bouddha lui-même et que nous avons citée plus haut : « L'extinction du désir, l'extinction de la haine, l'extinction de l'illusion ». »
«L'abandon et la destruction du désir et de l'avidité pour ces cinq Agrégats d'Attachement : c'est la cessation de dukkha ,
«La cessation de la Continuité et du Devenir (bhavanirodha) est Nibbâna »
Et encore, parlant du Nirvana, le Bouddha dit :
a O bhikkhus, il y a le non-né, le non-devenu, l'inconditionné, le non-composé. S'il n'y avait pas le non-né, le non-devenu, l'inconditionné, le non-composé, il n'y aurait pas d'évasion de ce qui est né, de ce qui est devenu, de ce qui est conditionné et de ce qui est composé. Puisqu'il y a le non-né, le non-devenu, l'inconditionné, le non composé, ainsi il y a (une possibilité) d'émancipation pour le né, le devenu, le conditionné et le composé. »
« Ici, les quatre éléments de solidité, de fluidité, de chaleur et de mouvement n'ont pas de place ; les notions de longueur, de largeur, de subtil et de grossier, de bien et de mal, de nom et de forme sont absolument détruites ; ni ce monde ni l'autre, ni venir, ni partir, ni rester debout, ni mort, ni naissance, ni objets des sens ne peuvent être trouvés. »
Parce qu'on exprime ainsi le Nirvàna, en termes négatifs, beaucoup de personnes ont la notion fausse qu'il est négatif et exprime l'annihilation du soi. Ce n'est absolument pas une annihilation du soi, parce qu'en réalité il n'y a pas de soi à annihiler. S'il y a une annihilation, c'est celle de l'illusion que donne la fausse idée d'un soi. Il est incorrect de dire que le Nirvàna est négatif ou positif. Les notions de « négatif » ou de « positif » sont relatives, et elles appartiennent au domaine de la dualité. Ces termes ne peuvent donc pas s'appliquer au Nirvàna, à la Vérité absolue, qui est au-delà de la dualité, de la relativité.
Un mot négatif n'indique pas nécessairement un état négatif. Le mot qui, en Pali et en Sanskrit, désigne la santé est arogya. C'est un terme négatif qui signifie littéralement « absence de maladie ». Pourtant arogya (santé) n'indique pas un état négatif. Le mot « immortel » (en Sanskrit amrta, en Pali, ainata), qui est aussi un synonyme de Nirvàna, est négatif, et cependant il ne signifie pas un état négatif. La négation de valeurs négatives n'a pas un sens négatif. Un des synonymes courants de Nirvàna est encore « liberté » (Pali Mutti, Sanskrit Mukti). Personne n'irait dire qu'il a une signification négative. La liberté a pourtant un côté négatif puisqu'elle est toujours la libération à l'égard d'une obstruction, de quelque chose de mauvais qui est négatif. Mais la liberté n'est pas négative. Ainsi en est-il de Nirvàna, Mutti, ou Vimutti, la liberté absolue liberté à l’égard de tout ce qui est mauvais, du désir, de l’ignorance de la haine, liberté de tout ce qui signifie dualité et relativité, du temps et de l'espace.
Nous pouvons nous faire une idée du Nirvana en tant que Vérité absolue d'après le Dhatuvibhanga-sutta (No 140) du Majjhima-nikaya. Ce discours, extrêmement important, a été adressé à Pukkusâti (dont nous avons déjà parlé) que le Maître avait trouvé intelligent et sérieux, lors de la nuit qu'ils avaient passée ensemble dans l'atelier du potier. Voici l'essentiel de ce qui nous intéresse ici : Un homme est composé de six éléments : solidité, fluidité, chaleur, mouvement, espace et conscience. Il analyse ces éléments et découvre qu'aucun n'est « moi » ou « mien ». Il comprend comment la conscience apparaît et disparaît, comment les sensations plaisantes, déplaisantes ou neutres, apparaissent et comment elles disparaissent. Par suite de cette connaissance son esprit devient détaché. Il découvre alors en lui-même une pure équanimité (upekha) qu'il peut diriger vers l'atteinte de n'importe quel haut état spirituel, et il sait que cette pure équanimité se maintiendra pendant une longue période de temps. Mais il pense : « Si je dirige cette pure et claire équanimité vers la Sphère de l'Espace infini et si je développe un esprit y correspondant, c'est une création mentale (samkhatam) ". Si je dirige cette pure et claire équanimité vers la Sphère de la Conscience infinie, vers la Sphère du Néant ... ou vers la Sphère ni de la Perception ni de la non-Perception et si je développe un esprit y correspondant, c'est une création men-tale. » Alors il ne crée pas mentalement et ne souhaite ni la continuité ni le devenir (bhava), ni l'annihilation (vibhava) . Comme il ne construit pas mentalement, comme il ne veut pas la continuité et le devenir, ni l'annihilation, il ne se cramponne à rien dans ce monde ; comme il ne s'attache à rien, il n'est pas anxieux ; comme il n'est pas anxieux, il est complètement apaisé « [la flamme] est complètement soufflée en lui-même » (paccattam yeva parinibbayati). Et il sait : « Finie est la naissance, vécue la vie pure, fait ce qu'il y avait à faire, il n'y a plus rien à faire pour ceci . »
Maintenant, lorsqu'il éprouve une sensation plaisante, déplaisante ou neutre, il sait que cela est impermanent, que cela ne l'attache pas, que ce n'est pas éprouvé avec passion. Quelle que puisse être la sensation, il l'éprouve sans y être attaché (visamyutto). Il sait que ces sensations s'apaiseront avec la dissolution du corps, comme s'éteint la flamme d'une lampe lorsque l'huile et la mèche viennent à manquer. « Par conséquent, O bhikkhu, une personne ainsi pourvue possède la sagesse absolue, car la connaissance de l'extinction de tout dukkha est la noble sagesse absolue. « Sa délivrance, fondée sur la vérité, est inébranlable. O bhikkhu, ce qui est irréalité (mosadhamma) est faux ; ce qui est réalité (amosadhamma), Nibbana, est Vérité (Sacca). Donc, O bhikkhu, une personne ainsi pourvue est pourvue de la Vérité absolue. Car, la Noble Vérité absolue (paramam ariyasaccam) est Nibbana, qui est la Réalité. »
Ailleurs, le Bouddha emploie, sans 'équivoque, le mot Vérité à la place du mot Nibbana : « Je vais vous enseigner la Vérité et le sentier qui mène à la Vérité. » Ici, Vérité signifie, d'une manière certaine, Nirvana. Maintenant, qu'est-ce que la Vérité absolue ? Selon le bouddhisme, la Vérité absolue est qu'il n'y a rien d'absolu en ce monde, que tout est relatif, conditionné et impermanent, et qu'il n'y a pas de substance absolue qui ne change pas, qui est éternelle, comme le Soi, l'Ame ou atman, en nous ou hors de nous. Ceci est la Vérité absolue. La Vérité n'est jamais négative, bien qu'il existe une expression populaire telle que vérité négative. La compréhension de cette Vérité, c'est-à-dire voir les choses telles qu'elles sont (yathkbhutam) sans illusion ou ignorance (avijja) , c'est l'extinction du désir, de la « soif »
(tanhakkhaya) et la cessation (nirodha) de dukkha, qui est le Nirvâna. Il est intéressant et utile de rappeler ici le point de vue du Mahâyâna sur le Nirvâna comme n'étant pas différent du Samsara. La même chose est Samsara ou Nirvâna selon la manière de la voir subjectivement ou objectivement. Cette conception du Mahayana a été probablement élaborée à partir des idées que l'on rencontre dans les textes originaux, en Pali, du Theravâda, auxquels nous nous sommes référés dans ce bref exposé.
Il serait incorrect de penser que le Nirvâna est le résultat naturel de l'extinction du désir. Le Nirvâna n'est pas le résultat de quoi que ce soit. S'il était un résultat, il serait le produit d'une cause. Ce serait alors un samkhata « produit » et « conditionné ». Le Nirvâna n'est ni cause ni effet. Il est au-delà des causes et des effets. La vérité n'est ni un résultat, ni un effet. Elle n'est pas produite comme un état mental mystique, spirituel, comme dhyâna ou samadhi. LA VÉRITÉ EST. LE NIRVANA EST. La seule chose que vous puissiez faire est de le voir, de le comprendre. Il y a un sentier qui y conduit. Mais le Nirvâna n'est pas le résultat du sentier . Vous pouvez gravir la montagne en suivant un sentier, mais on ne peut pas dire que la montagne est un résultat, un effet du sentier. Vous pouvez voir une lumière, mais celle-ci n'est pas un résultat de votre vision.
Beaucoup de personnes demandent : Qu'y a-t-il après le Nirvâna? Cette question ne peut pas se poser, parce que le Nirvâna est la Vérité Ultime. Puisqu'elle est Ultime, il ne peut rien y avoir après. S'il existait quelque chose au-delà du Nirvâna, ce serait alors la Vérité Ultime et non le Nirvâna. En fait, un moine nommé Radha avait posé, en d'autres mots, cette question au Bouddha : « Dans quel but (pour quelle fin) le Nirvâna ? » Cela suppose donc qu'il y a autre chose après le Nirvâna puisqu'on postule qu'il comporte un but, une fin. Le Bouddha répondit donc : « O Râdha, cette question ne peut pas prendre sa limite, (c'est-à-dire cette question est hors de propos). On mène la vie sainte ayant le Nirvâna comme (pour y faire le) plongeon final, l'ayant pour but, pour fin ultime»
Certaines expressions populaires, et impropres, comme, par exemple, « le Bouddha est entré dans le Nirvâna ou dans le Parinirvâna après sa mort, » ont donné naissance à beaucoup de spéculations imaginaires sur le Nirvâna . Dès que vous entendez dire que « le Bouddha entra dans le Nirvâna ou le Parinirvâna » vous avez tendance à prendre le Nirvâna pour un état, ou un domaine ou une situation où il y a une existence d'une certaine sorte et vous essayez de l'imaginer dans un sens que peut suggérer le mot « existence » telle que celle-ci vous est connue. On ne rencontre, dans les textes originaux, rien qui ressemble à l'expression populaire : « il est entré dans le Nirvâna. » Il n'y a pas d'équivalent à : « entrer après la mort dans le Nirvâna ». Il y a un mot qui est employé pour indiquer la mort d'un Bouddha ou d'un Arahant qui a atteint (compris) le Nirvâna, c'est parinibbuto ; mais il n'a pas la signification « d'entrée dans le Nirvâna. » Parinibbuto veut simplement dire « entière-ment trépassé », « entièrement soufflé » (image de la flamme éteinte), « entièrement éteint », parce que le Bouddha ou un Arahant n'a pas de re-existence aprèsla mort.
Maintenant vient une autre question : Qu'advient-il au Bouddha ou à un Arahant après sa mort, son parinirvâna ? Cela fait partie des questions laissées sans réponse (avyâkata) . Même lorsque le Bouddha en a parlé, il a remarqué qu'aucun mot de notre vocabulaire ne pourrait exprimer ce qui arrive à un Arahant après sa mort. Répondant à un Parivrâjaka nommé Vaccha, le Bouddha dit que des termes comme « né » ou « non né » ne s'appliquent pas au cas d'un Arahant parce que des choses comme matière, sensation, perception, activités mentales, conscience, avec lesquelles les termes « né » ou « non né » sont associés, sont complètement détruites et déracinées pour ne plus réapparaître après sa mort
Un Arahant après sa mort est souvent comparé à un feu qui s'est éteint après que le combustible a été consumé, ou à la flamme d'une lampe qui est tombée quand l'huile et la mèche sont épuisées . Il faut bien comprendre, ici, clairement et distinctement, sans confusion, que ce qu'on compare à un feu ou à une flamme qui s'est éteinte, ce n'est pas le Nirvana, mais « l'être , composé des cinq Agrégats, qui avait réalisé le Nirvana. Il faut insister sur ce point parce que certaines personnes, même quelques grands érudits, ont mal compris et mal interprété ce symbole, croyant qu'il se rapportait au Nirvâna. Le Nirvana n'est jamais comparé à un feu ou une flamme éteinte.
Il y a une autre question posée couramment : s'il n'y a pas de Soi, pas d'atman, qui réalise le Nirvana ? Avant que nous allions au Nirvana, posons-nous la question : Qui pense maintenant, s'il n'y a pas de Soi ? Nous avons vu plus haut que c'est la pensée qui pense, qu'il n'y a pas de penseur derrière la pensée. De même, c'est la sagesse (panna), la réalisation, qui réalise. Il n'y a pas d'autre Soi derrière la réalisation. Nous avons vu, dans la discussion de l'origine de dukkha, que quoi que ce soit être, chose ou système s'il a la nature de se produire, il contient en lui la nature, le germe de sa cessation, de sa destruction. Dukkha, le samsara, le cycle de continuité a la nature d'apparaître ; cela doit avoir aussi la nature de cesser. Dukkha naît à cause de la « soif » (tanha) et elle prend fin à cause de la sagesse (panna). « Soif » et sagesse se trouvent toutes deux en dukkha, dans les cinq Agrégats, comme nous l'avons vu
Le germe de leur apparition, comme celui de leur cessation se trouvent ainsi au sein des Cinq Agrégats. Tel est le sens véritable de la déclaration du Bouddha : « Dans ce même corps sensible, long d'une brasse, je postule le monde, l'apparition
du monde, la cessation du monde, et le sentier menant à la cessation du monde . » Cela veut dire que les quatre Nobles Vérités se trouvent dans les Cinq Agrégats, c'est-à-dire en nous-même. (Ici le mot « monde » (loka) est employé à la place de dukkha). Cela signifie aussi qu'il n'y a aucune puissance extérieure qui produise l'apparition et la cessation de dukkha.
Quand la sagesse est développée et cultivée selon la quatrième Noble Vérité (dont nous allons parler ensuite), elle découvre le secret de la vie, elle voit la réalité des choses telles qu'elles sont. Quand le secret est dévoilé, quand la Vérité est découverte, toutes les forces, qui produisent fébrilement dans l'illusion la continuité du samsara, se calment ; elles deviennent incapables de produire de nouvelles formations « karmiques », car il n'y a plus d'illusion, de « soif », pour entretenir la continuité. C'est comme une maladie mentale qui se trouve guérie quand sa cause, son secret, est découvert et vu clairement par le malade.
Dans presque toutes les religions le summum bonum ne peut être atteint qu'après la mort. Mais le Nirvana peut être réalisé dans cette vie même ; il n'est pas nécessaire d'attendre la mort pour y parvenir.
Celui qui a réalisé la Vérité, le Nirvana, est l'être le plus heureux du monde. Il est libéré de tous les « complexes », de toutes les obsessions, des tracas, des difficultés et des problèmes qui tourmentent les autres. Sa santé mentale est parfaite. Il ne regrette pas le passé, il ne se préoccupe pas de l'avenir, il vit dans l'instant présent. Il apprécie donc les choses et en jouit dans le sens le plus pur sans aucune « projection » de son moi. Il est joyeux, il exulte, jouissant de la vie pure, ses facultés satisfaites, libérées de l'anxiété, serein et paisibles . Il est libre de désirs égoïstes, de haine, d'ignorance, de vanité, d'orgueil, de tous empêchements, il est pur et doux, plein d'un amour universel, de compassion, de bonté, de sympathie, de compréhension et de tolérance. Il rend service aux autres de la manière
la plus pure, car il n'a pas de pensée pour lui-même, ne cherchant aucun gain, n'accumulant rien, même les biens spirituels, parce qu'il est libéré de l'illusion du Soi et de la « soif » de devenir.
Le Nirvana est au-delà des termes de dualité et de relativité. Il est donc au-delà de nos conceptions communes du bien et du mal, du juste et de l'injuste, de l'existence et de la non-existence. Même le mot « bonheur » (sukha), dont on fait usage pour décrire le Nirvâna, a un sens entièrement différent. Sàriputta dit une fois : « O ami, le Nirvana est le bonheur. Le Nirvâna est le bonheur ! » Udâyi lui demanda alors : « Mais, ami Sâriputta, quel bonheur cela peut-il être puisqu'il n'y a pas de sensation ? » La réponse de Sâriputta est hautement philosophique, elle se situe au-delà de la compréhension commune : « Qu'il n'y ait pas de sensation, cela même est le bonheur. »
Le Nirvâna est au-delà de la logique et du raisonnement (atakkavacara). Bien que nous soyons tentés de nous engager, souvent par vain passe-temps intellectuel, dans des discussions spéculatives concernant le Nirvana, la Vérité ultime ou la Réalité, nous ne la comprendrons jamais de cette façon. Un enfant n'a pas à se disputer à propos de la relativité à l'école maternelle. S'il se contente de poursuivre ses études patiemment et avec application, peut-être pourra-t-il la comprendre un jour Le Nirvana « doit être réalisé par les sages en eux-mêmes. » (paccattam veditabbo vinnûhi.) Si nous suivons le Sentier, patiemment, avec application, si nous nous exerçons et nous purifions consciencieusement, si nous atteignons ainsi le développement spirituel nécessaire, un jour, il nous sera possible de le réaliser en nous-même et sans nous embarrasser de grands mots mystérieux.
Venons-en donc maintenant au sentier qui mène à la réalisation du Nirvana


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La Quatrième Noble Vérité : Magga:
Le Sentier

La Quatrième Noble Vérité est celle du Sentier qui mène à la Cessation de dukkha (Dukkhanirodhagaminipatipadaariyasacca). Celle-ci est connue sous le nom de « Sentier du Milieu » (Majjhima Patipada), parce qu'elle évite deux extrêmes : l'un étant la poursuite du bonheur dans la dépendance des plaisirs des sens, ce qui est « bas, commune, sans profit et la manière des gens ordinaires » ; l'autre étant la recherche du bonheur qui repose au contraire sur la mortification selon différentes formes d'ascétisme, ce qui est « douloureux, indigne et sans profit ». Le Bouddha, ayant lui-même essayé ces deux extrêmes et en ayant reconnu l'inutilité, découvrit, par expérience personnelle, le Sentier du Milieu « qui donne vision et connaissance, qui conduit au Calme, à la Vision profonde, à l'Eveil, au Nirvana ». On désigne généralement ce Sentier du Milieu sous le nom de Noble Sentier octuple (Ariya-Atthangika-Magga) parce qu'il comporte huit catégories ou divisions :
1. Compréhension juste (Samma ditthi).
2. Pensée juste (Samma sanikappa),
3. Parole juste (Samma vaca),
4. Action juste (Samma kammanta),
5. Moyens d'existence justes (Samma ajiva),
6. Effort juste (Sammd vayama),
7. Attention juste (Samma sati),
8. Concentration juste (Samma samadhi),
Pratiquement, tout l'enseignement du Bouddha, auquel celui-ci consacra quarante-cinq années de sa vie, traite, d'une manière ou d'une autre, de ce Sentier. Il l'expliqua sous des
formes variées, employant des mots différents selon les personnes auxquelles il s'adressait, et suivant leur état de développement ou leurs aptitudes à le comprendre et à le suivre. Mais l'essence de ces milliers de discours, dispersés tout au long des Ecritures bouddhiques, se trouve dans le Noble Sentier octuple.
Il ne faut pas croire que les huit catégories ou divisions du Sentier soient à suivre et à pratiquer l'une après l'autre dans l'ordre où elles sont énoncées dans la liste courante que nous venons de donner. Il convient d'en poursuivre simultanément le développement, autant que cela sera possible selon la capacité de chaque individu. Elles sont toutes liées entre elles et chacune aide à cultiver lés autres.
Ces huit facteurs visent à favoriser le développement et la perfection des trois éléments essentiels de l'entraînement et de la discipline bouddhiste : 1. Conduite éthique (Sila), 2. Discipline mentale (Samadhi), et 3. Sagesse (Panna) Par conséquent, il sera beaucoup plus utile pour une compréhension meilleure et plus cohérente des huit divisions du Sentier de les expliquer en les groupant sous ces trois titres.
La Conduite éthique (Sila) est fondée sur la vaste conception d'amour universel et de compassion pour tous Ies êtres vivants, ce qui est à la base de l'enseignement du Bouddha. C'est une erreur regrettable et pernicieuse que commettent beaucoup d'érudits lorsqu'ils oublient ce grand idéal de l'enseignement du Bouddha et se livrent seulement à de sèches divagations philosophiques et métaphysiques sur le bouddhisme. Le Bouddha enseigna « pour le bien du grand nombre, pour le bonheur du grand nombre, par compassion pour le monde « (bahujanahitâya bahujanasukhaya lokanukammâya).
Pour qu'un homme soit parfait, il y a, selon le bouddhisme, deux qualités qu'il doit développer conjointement et également : la compassion (karunâ) d'une part, et la sagesse (panna) d'autre part, ici, la compassion englobe l'amour, la charité, la bonté, la tolérance, toutes les nobles qualités de coeur ; c'est le côté affectif ; tandis que la sagesse signifie le côté intellectuel, les qualités
de l'esprit. Si le côté affectif seul est développé, le côté intellectuel restant négligé, on deviendra un sot au bon coeur. Si, au contraire, on développe exclusivement le côté intellectuel en négligeant l'affectif, on risque de tourner à l'intellectuel desséché, sans aucun sentiment pour les autres. La perfection exige que ces deux côtés soient développés également. C'est le but de la voie bouddhiste. C'est pourquoi un vrai bouddhiste, comprenant avec intelligence et sagesse les choses telles qu'elles sont, est plein d'amour et de compassion pour tous les êtres vivants non seulement les humains, mais tous les êtres. La sagesse et la compassion sont inséparables dans la voie bouddhiste, comme nous le verrons.
La Conduite éthique (Sila), basée sur l'amour et la compassion, comprend trois facteurs du Noble Sentier octuple : Parole juste, Action juste et Moyens d'existence justes (numéros 3, 4 et 5 de la liste donnée plus haut.)
La Parole juste signifie l'abstention 1. Du mensonge, 2. De la médisance, de la calomnie et de toutes paroles susceptibles de causer la haine, l'inimitié, la désunion, la disharmonie entre individus ou groupes de personnes, 3. De tout langage dur, brutal, impoli, malveillant ou injurieux, et enfin 4. De bavardages oiseux, futiles, vains et sots. Du moment qu'on s'abstient de toutes ces formes de paroles fausses et nuisibles, on doit dire la vérité, on doit employer des mots amicaux et bienveillants, agréables et doux, qui aient du sens et qui soient utiles. On ne doit jamais parler négligemment : mais au moment et au lieu convenables. Si l'on n'a rien d'utile à dire, on devra garder un « noble silence. »
L'Action juste vise à promouvoir une conduite morale, honorable et pacifique. Nous sommes exhortés à nous abstenir de détruire la vie, du vol, des transactions malhonnêtes, de rapports sexuels illégitimes, et à aider les autres à mener, dans la voie droite, une vie pacifique et honorable.
Les Moyens d'existence justes : cela signifie qu'on devra s'abstenir de gagner sa vie dans une profession nuisible aux autres, comme le commerce des armes et instruments meurtriers, le commerce des boissons enivrantes et des poisons, la mise à mort des animaux, tricher, etc. et que l'on doit vivre d'une
profession honorable, irréprochable, et qui ne puisse pas nuire aux autres. Il est donc clair que le bouddhisme s'oppose fermement à toute forme de guerre puisqu'il pose comme principe que le commerce d'armes ou d'instruments meurtriers est un moyen d'existence mauvais et injuste.
Ces trois facteurs du Sentier octuple (Parole juste, Action juste et Moyens d'existence justes) concernent la Conduite éthique. On doit comprendre que la conduite éthique et morale qu'enseigne le bouddhisme vise à assurer une existence heureuse et harmonieuse à la fois pour les individus et pour la société. Cette conduite morale est considérée comme la fondation indispensable de toute réalisation plus élevée. Aucun développement spirituel n'est possible sans cette base morale.
Vient ensuite la Discipline mentale qui comprend trois autres facteurs du Sentier octuple : l'Effort juste, l'Attention juste et la Concentration juste (numéros 6, 7 et 8 de la liste précédente).
L'Effort juste est la volonté énergique.1 De faire obstacle à l'apparition des états mentaux mauvais et malsains, 2. De se débarrasser des états néfastes existant déjà chez l'homme, 3. de faire apparaître des états mentaux bons et sains qui n'existent pas encore, 4. De développer et amener à la perfection les états mentaux bons et sains qui sont déjà présents. L'Attention juste consiste en une attention vigilante, à prendre soigneusement conscience, 1. Des activités du corps (kaya), 2. Des sensations et des émotions (vedana), 3. Des activités de l'esprit (citta) et 4. Des idées, pensées, conceptions et des choses (dhamma).
La pratique de la concentration sur la respiration (anapanasati) est un des exercices bien connus, concernant le corps, qui est pratiqué en vue du développement mental. Il y a
plusieurs autres manières de développer l'attention en relation avec le corps, comme moyens de méditation.
En ce qui concerne les sensations et les émotions, on doit se rendre clairement conscient de toutes leurs formes, plaisantes, déplaisantes ou neutres, comment elles apparaissent en nous et comment elles disparaissent.
Pour ce qui est des activités mentales, on doit se rendre compte si l'esprit est animé par la convoitise ou non, s'il s'abandonne à la haine ou non, s'il se laisse tromper par une illusion ou non, s'il est distrait ou au contraire concentré, etc. On doit être ainsi attentif à tous les mouvements de l'esprit, s'aviser de la manière dont ceux-ci apparaissent et disparaissent.
Enfin, quant aux idées, pensées, conception et choses, on doit s'aviser de leur nature, savoir comment elles apparaissent, comment elles disparaissent, comment elles se développent, comment elles sont supprimées ou détruites, et ainsi de suite.
Ces quatre formes d'entraînement mental, de méditation, sont traitées en détail dans le Satipatthânasutta (Discours sur l'Établissement de l'Attention).
Le troisième et dernier facteur de discipline mentale est la Concentration juste qui conduit aux quatre étapes de Dhyana, qu'on désigne généralement par les mots transe et recueillement . A la première étape de Dhyana sont repoussés les désirs passionnés, certaines pensées malsaines comme celles de concupiscence, de malveillance, de langueur, le tracas, l'excitation et le doute, mais sont conservés les sentiments de joie, de bonheur ainsi qu'une certaine activité mentale. A la seconde étape disparaissent toutes les activités mentales, tandis que la tranquillité et la « fixation unificatrice » de l'esprit se développent ; cependant, les sentiments de joie et de bonheur sont encore conservés. A la troisième étape, le sentiment de joie, qui est une sensation active, disparaît aussi, tandis que persiste la disposition de bonheur avec une équanimité consciente. Enfin, à la quatrième étape de Dhyana, toute sensation, même de bonheur ou de malheur, de joie ou de peine, disparaît '; seules l'équanimité et la pure attention demeurent.
Ainsi, l'esprit est entraîné, discipliné et développé par l'Effort juste, l'Attention juste et la Concentration juste.
Nous avons maintenant passé en revue les six facteurs (3, 4, 5, 6, 7, 8) du Sentier octuple et qui font l'objet de la Conduite éthique et de la Discipline mentale. Les deux facteurs qui restent à étudier, Pensée Juste et Compréhension juste, constituent la Sagesse.
La Pensée juste concerne les pensées de renoncement, de détachement non-égoïste, les pensées d'amour et de non-violence étendues à tous les êtres. Il est intéressant et très important de remarquer que les pensées de détachement non-égoïste, d'amour et de non-violence sont groupées dans la Sagesse. Cela montre clairement qu'une sagesse véritable doit être pourvue de ces nobles qualités et que toutes les pensées de désir égoïste, de malveillance, de haine, de cruauté, sont le résultat d'un manque de sagesse, dans toutes les sphères de la vie, individuelle, sociale ou politique.
La Compréhension juste consiste à comprendre les choses telles qu'elles sont ; ce sont les quatre Nobles Vérités qui les expliquent telles qu'elles sont. Ainsi, la Compréhension juste se réduit finalement à la compréhension des quatre Nobles Vérités. Cette compréhension est la plus haute sagesse qui voit la Réalité ultime. Il y a, selon le bouddhisme, deux sortes de compréhension : Ce que nous appelons généralement compréhension est une sorte de connaissance, une mémoire accumulée, la saisie intellectuelle d'un sujet selon certaines données. Cela est désigné, dans le bouddhisme, sous le nom de « connaissance selon » (anubodha). Cela n'est pas très profond. La véritable compréhension profonde s'appelle « pénétration » (pativedha) ; c'est voir une chose dans sa nature véritable, sans nom ni étiquette. Cette pénétration n'est possible que lorsque l'esprit est libéré de toutes impuretés et qu'il est complètement développé par la pratique de la méditation.
Après ce bref exposé du Sentier, on voit qu'il est une manière de vivre qui peut être suivie, pratiquée et développée par chaque individu. C'est une discipline du corps, de la parole et de l'esprit, un développement et une purification de soi par soi-même. Cela n'a rien à voir avec la croyance, la prière, l'adoration ou les cérémonies. Dans ce sens, donc, il ne contient rien qui puisse être populairement appelé « religieux ». C'est un Sentier qui conduit à comprendre la Réalité ultime, à accomplir la liberté, le bonheur et la paix, par la perfection morale, spirituelle et intellectuelle.
Il y a dans les pays bouddhistes, des coutumes et des cérémonies belles et simples aux occasions religieuses. Elles ont peu de rapport avec le Sentier réel. Mais elles sont utiles pour satisfaire certaines émotions et besoins religieux de ceux qui sont moins avancés, en les aidant graduellement le long du Sentier.
Nous avons quatre fonctions à exécuter à l'égard des quatre Nobles Vérités :
La première Noble Vérité est dukkha, la nature de la vie, sa souffrance, ses chagrins et ses joies, son imperfection et son insatisfaction, son impermanence et son insubstantialité. A cet égard, notre fonction est de comprendre cela comme un fait, clairement et complètement (parinneyya).
La seconde Noble Vérité est l'origine de dukkha, qui est désir, « soif », accompagné de toutes les autres passions, souillures et impuretés. La simple compréhension de ce fait n'est pas suffisante. Ici notre fonction est d'écarter ce désir, de l'éliminer, le détruire et le déraciner (panatabba).
La troisième Noble Vérité est la Cessation de dukkha, le Nirvâna, la Vérité absolue, la Réalité ultime. Ici notre fonction est de l'atteindre, la comprendre (sacchikatabba).
La quatrième Noble Vérité est le Sentier conduisant à la compréhension du Nirvâna. La simple connaissance du Sentier, quelque complète qu'elle soit, ne suffit pas. Dans ce cas, notre fonction est de la suivre et de nous y tenir (bhavetabba)


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La vérité naturelle (saphava sacca) :


La deuxième de la vérité ultime est la vérité naturelle. Qu’est ce que c’est la vérité naturelle ? C’est comme son nom, c’est la caractéristique de la chose, « le feu est chaud, l’eau est liquide, la pierre est solide, la terre tourne autour du soleil, l’eau est la composition de deux molécules d’hydrogènes avec une molécule d'oxygène (H2O) ; le désir, la colère, la haine, la vengeance, la jalousie… sont de mauvaises actions (mauvais karmas) ; l’amour, la compassion, la joie sympathique, l’équanimité sont de bonnes actions (bons karmas). En résumé, la vérité naturelle est la caractéristique de la chose visible ou invisible, tout le monde doit l’admettre. On ne peut pas refuser cette vérité. En conséquence toutes les lois biologiques, biochimiques, organiques, physiques, chimiques… C’est-à-dire toutes les lois universelles sont la vérité naturelle (vérité ultime) que Bouddha avait découvert cette vérité, non pas intellectuellement, mais en l'expérimentant sur lui-même par la méditation (s’éveiller), mais qui n’enseignait que la loi qui peut délivrer les gens de la souffrance et les rendre au Nirvana.
Le Bouddha résidait une fois dans la forêt de Simsapâ Kosambi (Skt. Kausambi, près d'Allahabad). Il prit quelques feuilles dans sa main et demanda à ses disciples : « Que pensez-vous, ô bhikkhus ? Quelles sont les plus nombreuses ? Ces quelques feuilles dans ma main ou les feuilles qui sont dans la forêt ?
- Seigneur, très peu nombreuses sont les feuilles tenues dans la main du Bienheureux, mais certainement les feuilles dans la forêt de Simsapâ sont beaucoup plus abondantes.
- De même, bhikkhus, de ce que je sais, je ne vous ai dit qu'un peu, ce que je ne vous ai pas dit est beaucoup plus. Et pourquoi ne vous ai-je pas dit (ces choses) ? Parce que ce n'est pas utile et ne conduit pas au Nirvâna. C’est pourquoi je ne vous ai pas dit ces (choses). »
Il est bien clair, d'après cette parabole, que l'enseignement du Bouddha vise à conduire l'homme à la sécurité, à la paix, au bonheur, à la compréhension du Nirvâna. Toute la doctrine qu'il enseigne tend vers ce but. Il n'a pas dit des choses destinées simplement à la satisfaction de la curiosité intellectuelle. Il était un instructeur pratique et n'enseignait que ce qui apporterait à l'homme paix et bonheur.
Bouddha enseignait le Dharma qui est omniscience.
Pour nous il est futile, comme quelques érudits tentent vainement de le faire, d’essayer de spéculer sur ce que savait le Bouddha et qu’il ne nous a pas dit.
Le Bouddha ne s’intéressait pas à la discussion de questions métaphysiques inutile, qui sont purement spéculative et qui créer des problèmes imaginaires il est considéré comme un «désert d’opinions».
Bouddha n’enseignait que la Vérité Ultime : Vérité ultime (paramattha sacca) divisée en 1 - Les Quatre nobles de vérités (Cattari Ariyasacca), 2- Vérité naturelle (saphava sacca), surtout la loi de l’esprit dont les grands savants de toutes époques ne peuvent pas la découvrir.


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  II - La vérité conventionnelle 

La vérité conventionnelle
(sammuti sacca) :


A - Le nom commun ou propre qu’on donne aux choses visibles ou invisibles par leur définition ; exemple : la table, la chaise, la maison l’eau, le vent, Jean, Paul, etc. … ceux là sont les vérités conventionnelles.
B - Le jugement d’un acte qu’on fait, d’un sujet, d’un procès ; la valeur qu’on nomme aux caractéristiques de chose ; Exemple : cette opinion est juste, cette opinion est injuste ; le feu n’est pas bon, car il peut brûler, détruire les biens, la maison, la forêt. ; le feu est bon, car il peut cuire la nourriture ; la fleur est belle, la fleur n’est pas belle. Juste, injuste, bon, n’est pas bon, belle, n’est pas belle sont les vérités conventionnelles.
La Vérité conventionnelle (B) que les gens croient fortement la vérité ultime ou absolue. En réalité, cette vérité dépend la façon de la pensée personnelle, la pensée de chaque groupe, chaque pays dont la naissance de partie, différentes cultures, différentes coutumes, différentes religions, etc.…..
L’esprit, la pensée, sont la vérité naturelle (vérité ultime), mais le résultat de la pensée, du raisonnement sont les vérités conventionnelles.
Les lois, les cultures, les coutumes de chaque pays sont les vérités conventionnelles ; le jugement, la conclusion, la synthèse (idée), l’analyse (idée) sont les vérités conventionnelles. La vérité conventionnelle est la vérité qu’on admet ou refuse qui dépend du raisonnement personnel ; mais la vérité naturelle, on ne peut pas la refuser. En résumé, le monde que nous vivons est le monde de rêve, de convention ; nous sommes dominés par nos désirs, nos haines, nos jalousies, nos convoitises, nos égarements, nos orgueils, nos conceptions spéculatives, etc...(ceux sont kilesa), ceux sont eux qui jugent, raisonnent, analysent, valorisent des choses que nous apercevons qui sont les vérités conventionnelles. Nous prenons ces vérités pour les vérités ultimes.


Bouddha disait :


« Tous les états mentaux ont l'esprit pour avant coureur, pour chef; ils ont été créés par l'esprit. Si un homme parle ou agit avec un mauvais esprit, la souffrance le suit d'aussi près que la roue suit le sabot du boeuf tirant le char.
Tous les états mentaux ont l'esprit pour avant coureur, pour chef; ils ont été créés par l'esprit. Si un homme parle ou agit avec un esprit purifié, le bonheur l'accompagne d'aussi près que son ombre inséparable.
"Il m'a vilipendé, il m'a maltraité, il m'a vaincu, il m'a volé". Chez ceux qui accueillent de telles pensées, la haine ne s'éteint jamais.
"Il m'a vilipendé, il m'a maltraité, il m'a vaincu, il m'a volé". Chez ceux qui n'accueillent jamais de telles pensées, la haine s'apaise.
En vérité, la haine ne s'apaise jamais par la haine, la haine s'apaise par l'amour, c'est une loi universelle.
La plupart des hommes oublient que nous mourrons tous un jour. Pour ceux qui y pensent, la lutte est apaisée.
Ceux qui prennent l'erreur pour la vérité et la vérité pour l'erreur, ceux qui se nourrissent dans les pâturages des pensées fausses, ceux là n'arriveront jamais au réel.
Mais ceux qui prennent la vérité comme vérité et l'erreur comme erreur, ceux qui se nourrissent dans les pâturages des pensées justes, ceux-là, arriveront au réel.
De même que la pluie rentre dans une maison dont le chaume est disjoint, de même que la pluie ne rentre pas dans une maison bien couverte ainsi la passion pénètre un esprit non développé. De même, la pluie n'entre pas dans une maison bien couverte de chaume, ainsi la passion ne pénètre pas un esprit bien développé.
L'être bienfaisant se réjouit dans ce monde et se réjouit dans l'autre. Dans les deux états, il se réjouit. Il est content et extrêmement heureux quand il voit ses actes purs. »


En conclusion: Celui qui a compris et a pratiqué le Dharma (Vérité ultime ou la loi universelle) voit le sable et l’or de valeur égale.


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